"La chute de Raqqa ne signifie pas la fin de l'État islamique", analyse Jean-Pierre Filiu

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A.D
Au-delà des djihadistes qui se trouvaient à Raqqa et qui pourraient revenir en Europe, le spécialiste de l'islam contemporain s'inquiète des radicalisations et des cellules dormantes sur le sol européen.
INTERVIEW

Le verdict du procès Merah est tombé la semaine de sortie de l'état d'urgence. En Syrie, Raqqa est tombée depuis quelques semaines mais à New York, l'attentat de mardi a rappelé que la menace terroriste était toujours présente. Jean-Pierre Filiu, professeur d’histoire du Moyen-Orient et spécialiste de l'islam contemporain, invité de l'émission C'est arrivé cette semaine, dresse le portrait du phénomène djihadiste actuel.

Un "monstre" qui a opéré pendant deux ans. La chute de Raqqa, ne signifie pas la fin de l'organisation Etat islamique rappelle-t-il. "Dès les attentats de janvier 2015 à Paris, il y avait des donneurs d'ordre à Raqqa, en Syrie. Ce qu'il s'est passé, c'est que l'état major opérationnel de Daech a continué pendant deux ans jusqu'à la chute récente de Raqqa d'animer des réseaux dans le monde entier. Pendant deux ans, qu'on ait laissé opérer ce monstre plus ou moins librement est quant même accablant", juge Jean-Pierre Filiu. Des "centaines de djihadistes" sont partis avant la chute de la ville syrienne, ajoute-t-il, "généralement des djihadistes locaux, beaucoup moins des étrangers. Il faut voir que le processus de retour des djihadistes étrangers, notamment français, avait été entamé des mois plus tôt. La plupart d'entre eux ont été coincés, piégés, sont tombés dans les combats, ont été capturés." 

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C'est ce processus de montée aux extrêmes sur des territoires occidentaux qui devrait aujourd'hui nous interpeller

Cellules dormantes et éléments isolés. Malgré cela, le nombre de djihadistes qui peuvent revenir en Europe est selon lui "impossible" à estimer, d'abord parce que "le nombre de morts dans les ruines de Raqqa, Mossoul ou ailleurs n'est pas estimable". Ceux qui pourraient "passer le mur de la frontière turque, très hermétiquement fermé, et revenir en France" sont "de l'ordre de centaines potentiellement", avance-t-il néanmoins. Le professeur s'inquiète aussi du phénomène de radicalisation dans les pays occidentaux et prend l'exemple de l'auteur présumé de l'attentat de New York de mardi. L'homme, un Ouzbek de 29 ans qui avait rallié l'EI "est arrivé aux Etats-Unis en n'étant absolument pas radicalisé" en 2010. "C'est aux Etats-Unis qu'il s'est radicalisé et c'est ce processus de montée aux extrêmes sur des territoires occidentaux qui devrait aujourd'hui nous interpeller." Par ailleurs, Jean-Pierre Filiu souligne que "le risque à la fois des cellules dormantes et d'éléments isolés agissant sur inspiration et orientation de Daech reste très fort en Europe", comme en a témoigné cet été l'attentat de Barcelone.