Espagne : Naron, la ville qui voulait perdre 100.000 kilos

À Naron, un peu moins de 10% de la population souffre d'obésité.
À Naron, un peu moins de 10% de la population souffre d'obésité. © MIGUEL RIOPA / AFP
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avec AFP , modifié à
4.000 habitants de la ville espagnole de Naron participent à un programme pour perdre du poids, alors que l'obésité touche près de 10% de la population.

À Naron, ils sont des milliers à s'être remis au sport tout en chassant de leurs menus charcuterie et calamars frits car leur ville espagnole s'est promis de perdre 100.000 kilos en deux ans. "Au 21ème siècle, les gens oublient qu'ils sont conçus pour marcher", constate chaque jour Carlos Pineiro, médecin généraliste de 63 ans. Il est l'un des principaux initiateurs de ce programme de santé publique lancé en janvier dans sa petite ville de Galice, au nord de l'Espagne. Souvent, le docteur troque sa blouse pour le survêtement et supervise dans un parc les échauffements d'une douzaine de randonneurs.

4.000 habitants participent au projet. Cette ville aux 40.000 habitants compte 9.000 personnes en surpoids et 3.000 autres souffrant d'obésité, selon le Dr Pineiro. Renommée pour ses plats gastronomiques et souvent pantagruéliques, la Galice est la région d'Espagne ayant le plus fort taux de personnes en surpoids, selon une étude de la Société espagnole de cardiologie. "Le climat pluvieux fait que l'on reste beaucoup chez soi, avec une ingestion de calories quotidiennes très importante", avance le Dr Pineiro. Ainsi, plus de 4.000 habitants de Naron - soit un dixième de la population - a adhéré au projet. Et pour symboliser cet engagement unanime, la maire elle-même, Marian Ferreiro, s'est pesée avec ses conseillers municipaux, serrés sur une bascule géante.

Marche à pied, repas moins riches... Associant régime personnalisé et activités physiques adaptées, le dispositif éveille d'autant plus la sympathie que plus personne ne se sent seul devant la balance. "Je marche avec des copines dont une femme de plus de 80 ans qui s'accroche à mon bras", témoigne Maria Teresa Rodriguez, femme au foyer de 55 ans. Debout sur la balance du centre de santé, elle constate, rayonnante : "En mars, je pesais 82 kilos, maintenant 70 !" Ses journées comprennent une heure et demie de marche ou de gymnastique, sans compter la danse du vendredi depuis qu'elle n'a "plus mal aux jambes". Dans la ville, 18 restaurants proposent désormais des plats moins riches, en promouvant un régime non pas méditerranéen mais atlantique, privilégiant les produits de l'océan.

Éduquer les enfants. "Ce n'est pas facile du tout de convaincre les adultes" de changer leur mode de vie, constate pourtant le Dr Pineiro. Ce médecin place beaucoup d'espoir dans les enfants, sensibilisés au sein d'un établissement scolaire pilote, le centre Jorge Juan, où les professeurs sont particulièrement motivés. À la récréation, "on sort marcher sur la promenade maritime" avec les élèves, témoigne Maria Jose Cazorla, une enseignante de 55 ans. Les 224 élèves ont la possibilité de faire une heure d'activité physique par jour et les récalcitrants peuvent se jucher sur un vélo d'appartement. Le slogan "Deviens accro aux fruits" s'affiche dans l'établissement, où des fruits sont distribués dans la matinée. Mais "on ne parle jamais de poids directement" aux enfants, "ce serait stigmatisant", glisse le Dr Pineiro.

Au-delà des 100.000 kilos à perdre à Naron, le médecin espère surtout que les habitants adopteront "un style de vie sain pour freiner les maladies chroniques" et du même coup réduire les dépenses de santé.