viktor orban hongrie UE 1:30
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Jean-Jacques Héry et Louis de Raguenel, édité par Pauline Rouquette
Interpellée par plusieurs États, la Commission européenne a brandi la menace d'utiliser les instruments juridiques de l'UE pour faire reculer la Hongrie sur son projet de loi anti-LGBT. Emmanuel Macron a quant à lui condamné "un recul terrible", sans pour autant aller jusqu'à demander à la Hongrie de sortir de l'UE.

Les droits LGBT ont été au cœur du sommet européen qui s'est achevé vendredi à Bruxelles. En cause, le projet de loi hongrois interdisant la "promotion" de l'homosexualité auprès des mineurs, qui suscite l'émoi au sein des pays européens. Cette loi prohibe notamment l'accès aux thèmes liés à l'homosexualité dans des films. Après avoir été interpellée par de nombreux États membres, la Commission européenne a fini par intervenir avec une lettre de remontrances à l'adresse du Premier ministre hongrois, Viktor Orbán qui, lui, ne veut pas retoquer sa loi.

Face au dirigeant hongrois, Emmanuel Macron a quant à lui préféré temporiser. Moins ferme que certains de ses homologues européens, le chef de l'État français, qui s'apprête à prendre la présidence tournante de l'UE, espère ainsi ne pas creuser plus encore le fossé qui sépare Budapest des autres États membres de l'Union.

La menace d'utiliser les "instruments juridiques" de l'UE

"Cette nouvelle loi hongroise est clairement discriminatoire et comme il convient à une démocratie, nous lutterons contre en utilisant les instruments juridiques", a déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Une première. Jusqu'ici, l'UE se montrait très discrète sur la question des droits LGBT en Hongrie.

Le sujet est désormais largement mis en lumière et c'est un soulagement pour les associations, comme l'affirme David Vig, le directeur d'Amnesty International en Hongrie. "Cette loi ne viole pas seulement les principes fondateurs de l'UE, les droits de l'homme, l'état des droits humains, l'égalité et la non-discrimination, mais aussi les règles sur l'audiovisuel", dit-il au micro d'Europe 1. "Je pense que c'est sur ces bases-là qu'une procédure d'infraction peut être lancée. C'est très important qu'il y ait une pression politique pour pousser au retrait total de cette loi."

Toutefois, pour les ONG, la solution ne pourra pas venir que des autres États membres de l'Union. Il faut une résistance hongroise, disent-elles, s'appuyant notamment sur la forte mobilisation en Hongrie. Entre 5.000 et 10.000 personnes s'étaient réunies devant le Parlement hongrois alors que le projet de loi était débattu dans l'hémicycle.

Une posture délicate pour la France

Concernant la France, si Emmanuel Macron s’est montré ferme et sans ambiguïté contre la position du Premier ministre hongrois, il n'a pas pour autant appelé la Hongrie à quitter l'UE, comme a pu le faire par exemple le Premier ministre néerlandais. Après avoir demandé à Viktor Orbán de "changer son texte", le président français a préféré réfléchir aux causes de la montée du "conservatisme antilibéral". "La question à laquelle nous devons réfléchir est comment des peuples en arrivent là au sein de l’Europe", a notamment lancé Emmanuel Macron, rappelant que Viktor Orbán a été élu démocratiquement.

Si le chef de l'État marche sur une ligne de crête, c'est parce que la France présidera l'UE dans six mois. Emmanuel Macron le sait, un clivage est-ouest au sein de l'Union est en train de ressurgir. Parmi les pays qui n’ont pas signé la lettre de condamnation de la politique hongroise figurent la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, la Slovénie, la Lituanie, la Bulgarie et la Croatie, soit des pays qui se trouvaient de l’autre côté du rideau de fer avant 1989.

À quelques mois de la présidence française, pas question donc pour Emmanuel Macron d’accroître encore plus les fractures au sein de l'UE.