Dans les geôles de Raqqa : "Ils me giflaient, me frappaient et m’insultaient"

Stade Raqqa 1280
© Handout / Cnes 2017, Distribution Airbus DS / AFP
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Gwendoline Debono, édité par R.Da.
Le stade municipal de Raqqa, libérée le 17 octobre, servait de prison au groupe Etat islamique. Europe 1 a pu interroger l'un des anciens prisonniers de Daech.
REPORTAGE

Le stade municipal de Raqqa est l'un des derniers lieux de la capitale djihadiste à être tombé. Les djihadistes ont défendu jusqu'au bout ce qui était l'une de leurs places fortes dans la ville. Ils avaient transformé l'enceinte sportive en prison et en immense centre de torture. Le groupe Etat islamique y avait fait de la détention une industrie, emprisonnant à la chaîne ; les vestiaires ont ainsi été transformés en cellules, et les appareils de musculation étaient utilisés pour attacher les prisonniers pendant des séances de torture. Gwendoline Debono, envoyée d'Europe 1 en Syrie, a pu rencontrer un habitant de Raqqa resté enfermé pendant des semaines dans les geôles du complexe.

Un verre d'eau par jour. Ahmed a passé deux mois dans cet enfer, sous les gradins, après son arrestation dans un cybercafé. "Je parlais avec mon frère sur le net. Je lui disais de ne pas revenir à Raqqa. A côté, il y avait un membre du renseignement de Daech. Il est venu vers moi, il m’a dit : 'tu es un mécréant'. À deux heures du matin, ils sont venus m’arrêter chez moi", raconte cet homme au micro d'Europe 1.

"Ils m’ont mis dans un van. Ils m’ont bandé les yeux et m’ont emmené au stade, je ne savais pas à ce moment-là que j'étais au stade. Il y avait des cachots d’un mètre carré, et d’autres dans lesquels ils mettaient une trentaine de prisonniers. On dormait les uns sur les autres. Chaque jour, on buvait un verre d’eau", rapporte Ahmed. "Pendant une semaine, j’ai été attaché, suspendu les bras en croix. Ils me giflaient, me frappaient et m’insultaient".

Le bourreau de Daech. Alors qu'il est emmené dans les entrailles du stade jusqu'au bureau de la police islamiste, son sang se glace : il croise le djihadiste britannique Mohammed Emwazi, surnommé "Jihadi John", et connu pour avoir décapité plusieurs otages occidentaux. "Je l’ai vu mais je ne lui ai surtout pas parlé. On a su qu’il avait un différend avec un autre membre de Daech. Je savais que c’est lui qui égorgeait les civils. Je l’avais déjà vu tuer trois membres de Daech, près de la place de l’horloge. Il a tiré sur eux puis a dit que c’était des espions à la solde des Américains", explique-t-il. "Il me faisait peur, tout le monde le craignait, tout le monde l’évitait".

"Jihadi John" sera finalement tué par une frappe de drone à Raqqa. Peu après, une autre frappe s'abat à quelques mètres du stade. "Les djihadistes paniqués nous ont libérés juste après l'impact", explique Ahmed qui a pu ainsi échapper à ce cauchemar.