Crise catalane : peu de marge de manœuvre en Belgique pour Puigdemont

Carles Puigdemont, Bruxelles crédit : NICOLAS MAETERLINCK / BELGA / AFP - 1280
Dans le cadre du mandat d'arrêt européen dont il fait l'objet, Carles Puigdemont va devoir se défendre pour ne pas être extradé © NICOLAS MAETERLINCK / BELGA / AFP
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avec AFP
L'Espagne a émis un mandat d'arrêt européen envers le président catalan destitué qui se trouve actuellement à Bruxelles. Une procédure bien encadrée face à laquelle Carles Puigdemont a peu de marges de manœuvre.

Carles Puigdemont, visé par une procédure judiciaire en Espagne et un mandat d'arrêt européen, peut-il rester en Belgique ? La justice espagnole a lancé vendredi un mandat d'arrêt contre le président catalan destitué par Madrid et quatre de ses "ministres", arrivés lundi à Bruxelles, après leur refus de comparaître devant une juge d'instruction madrilène.

Quelles sont les conditions pour un mandat d'arrêt ? Ce mandat doit répondre à plusieurs critères. Le pays dans lequel une personne est réclamée - en l'occurrence la Belgique pour Puigdemont -, doit renvoyer celle-ci dans le pays émetteur du mandat - l'Espagne - dans un délai maximal de 60 jours à compter de son arrestation. Si la personne consent à sa remise, la décision doit être prise dans un délai de dix jours.

Le parquet fédéral belge a confirmé la réception et le mandat va être examiné puis transmis à un juge d'instruction belge. Si la procédure est acceptée, ce magistrat devra envoyer une convocation qui devra être honorée sous 24 heures et signifier aux personnes concernées les poursuites lancées et leur permettre de prendre connaissance de leurs droits.

En Espagne, le procureur général a requis des poursuites pour "rébellion", "sédition" et "malversations" contre Carles Puigdemont et les membres du gouvernement catalan destitué. Le délit de rébellion est passible d'un maximum de trente ans de prison. 

Quelles possibilités d'y échapper pour Puigdemont ? La loi stipule que l'infraction reprochée doit figurer dans le droit belge, ce qui n'est pas le cas de la "sédition" et de la "rébellion", selon Maxime Chomé, avocat à Bruxelles. Mais ce même texte, transposition d'une directive européenne, liste ensuite une série d'infractions additionnelles auxquelles l'Espagne pourrait se référer.

Pour Anne Weyembergh, présidente de l'Institut d'études européennes de l'ULB, la définition des contours de l'infraction "pourrait donner lieu à certaines difficultés". Selon elle, Carles Puigdemont et son avocat pourraient en outre arguer du respect de ses droits fondamentaux, même s'il "faudrait qu'ils démontrent qu'il y a un réel risque" d'atteinte à ces droits. Les voies de recours existent si l'intéressé refuse son extradition, mais elles n'aboutissent qu'"extrêmement rarement", selon Me Chomé.

Combien de temps peut-il rester sur le sol belge ? Tout ressortissant d'un autre pays de l'UE peut résider 90 jours en Belgique sans être inquiété. Au-delà, il s'expose à l'illégalité, à moins d'introduire une demande de séjour motivée par un travail, un regroupement familial ou des moyens financiers suffisants lui permettant de ne pas travailler. Mais c'est la théorie.

En pratique, "s'il quitte le territoire national avant les 90 jours, le citoyen de l'UE peut à nouveau bénéficier d'un séjour de trois mois", explique Dominique Ernould, porte-parole de l'Office des étrangers. Carles Puigdemont a lui-même évoqué mardi le principe de "libre circulation" dont peuvent bénéficier les citoyens dans l'UE.

L'asile politique, une possibilité ? Les citoyens de l'UE peuvent formuler une demande dans un autre État membre. Ils bénéficient dans ce cas d'une procédure accélérée. Mais si le leader catalan, qui a affirmé plusieurs fois qu'il n'était pas en Belgique pour demander l'asile politique, devait finalement le réclamer, la demande aurait peu de chances d'aboutir, selon le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA).

"Depuis cinq ans, aucun ressortissant de l'UE n'a obtenu l'asile en Belgique", assure Damien Dermaux, porte-parole du CGRA. "En Belgique, on examine ces demandes, on témoigne d'une certaine souplesse, mais on reste sur le principe qu'il s'agit de demandes manifestement non-fondées, car venant de pays tiers sûrs."