Aux Etats-Unis, des crèches trop chères, avec peu de places, laissent les mères à la maison

© Thomas SAMSON / AFP
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avec AFP
Aux États-Unis, les parents ont de plus en plus de mal à faire garder leurs jeunes enfants à la crèche. Cela pousse certains parents, notamment les mères, à rester à la maison. Un problème qui "s'est aggravé" depuis la crise Covid.

Pas de place en crèche. Ou à un tarif bien trop élevé. Faire garder un jeune enfant relève souvent du parcours du combattant aux États-Unis, poussant nombre de parents, souvent les mères, à finalement rester à la maison. "Le problème existait avant la pandémie, s'est aggravé depuis", a précisé à l'AFP Kevin Schreiber, qui dirige l'alliance économique du comté de York (Pennsylvanie). Il s'exprimait en marge d'une visite des présidents de la banque centrale américaine (Fed), Jerome Powell, et de l'antenne de Philadelphie, Patrick Harker, venus lundi rencontrer les acteurs économiques locaux.

Sans place de crèche disponible ou abordable, impossible de trouver un emploi, ou de le conserver, au moment même où le pays connait une importante pénurie de main d'œuvre. La région très manufacturière de York, située entre Washington et New York, a perdu 20% de ses crèches depuis le Covid. Et celles qui restent "fonctionnent à 85% de leur capacité" seulement, faute de personnel, détaille Kevin Schreiber. Au total, aux États-Unis, près de 16.000 établissements, soit 10%, ont fermé leurs portes depuis 2020, selon le Council for recognition program, qui accrédite les garderies.

Résultat : "dans plus de 20% des familles, l'un des parents, le plus souvent la mère, a dû quitter le marché du travail pour s'occuper des enfants, entraînant une perte importante de revenus pour le ménage", selon Calvin Moore, responsable de ce Conseil, dans une note publiée fin septembre. Début 2023, 4,5 millions d'Américains ne travaillaient pas à cause de la garde d'enfants.

Carte de crédit

Et, même pour les chanceux qui peuvent faire garder leur progéniture, la partie n'est pas gagnée, car les prix sont souvent exorbitants. Environ "25% du revenu du ménage", a expliqué à l'AFP Kim Bracey, de l'association YWCA York. Et au final, là aussi, lorsqu'il y a deux parents, ils "doivent déterminer lequel va travailler, lequel va rester à la maison, parce qu'ils ne peuvent pas se permettre de payer" cela, déplore-t-elle. Certaines familles utilisent leur carte de crédit, s'endettant à taux élevé "pour payer les frais de garde d'enfants".

En février 2021 déjà, Jerome Powell avait déploré que de "nombreux autres (...) économies avancées ont des systèmes de garde d'enfants plus développés" que les États-Unis. "Nous avions il y a 25 ans la plus importante participation des femmes à la population active. Ce n'est plus le cas", a-t-il regretté, faisant état de "politiques (qui) nous ont laissé derrière".

Après une forte croissance "dans les années 1970 et 1980", "les États-Unis ont pris du retard", relève Michael Pearce, économiste pour Oxford Economics, dans une note. Désormais, "parmi les principales économies avancées, seule l'Italie compte une part plus faible de femmes en âge de travailler dans la population active".

"Réduire l'écart"

En août, cependant, le taux de participation des femmes au marché du travail a grimpé à 57,7%, retrouvant son niveau de fin 2019, avant la pandémie. Mais reste inférieur au record historique de 60,3% d'avril 2000. Le chiffre de septembre sera connu vendredi, lors de la publication du taux de chômage. "Les États-Unis pourraient réduire l'écart (...) avec d'autres économies avancées au cours des cinq prochaines années", calcule Michael Pierce.

En cause : des emplois du temps plus flexibles, des congés parentaux plus développés, une baisse de la fertilité. Et, à moyen terme, le "soutien" que pourraient offrir des aides aux parents qui travaillent.

L'alliance économique et les entreprises de York ont elles décidé de s'attaquer au manque de crèches, et ont recueilli "plusieurs millions de dollars, (...) visant non seulement à améliorer l'accès à des services de garde d'enfants abordables et de qualité, mais également à former des éducateurs", a expliqué Kevin Schreiber. "C'est le principal motif d'absentéisme, nous devons donc faire mieux, pas seulement ici à York, mais partout dans le pays", a-t-il encore précisé. "La garde d'enfants est une préoccupation à l'échelle nationale", a souligné Demietra Middleton, responsable des ressources humaines de l'usine Harley Davidson de York. "Nous devons vraiment comprendre ce que nous pouvons faire".