Ambassade américaine à Jérusalem : "C'est une confirmation, il n'y a plus de processus de paix"

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R.Da. , modifié à
Pour Hubert Védrine, ex-ministre des Affaires étrangères, la décision de Donald Trump de transférer l'ambassade américaine à Jérusalem acte la fin des négociations de paix entre l'Etat hébreu et la Palestine.
INTERVIEW

C'est une décision qui secoue le Proche-Orient. Donald Trump a annoncé mercredi le transfert de l'ambassade américaine en Israël à Jérusalem, reconnaissant de fait la ville dite "trois fois sainte" comme capitale de l'Etat hébreu. Le secrétaire d'Etat Rex Tillerson a justifié cette décision rappelant l'adoption en 1995, par le Congrès américain, du "Jerusalem Embassy Act" appelant les États-Unis à déménager l'ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem. "Les présidents, jusqu'ici, par dérogation, décidaient de ne pas appliquer cette décision du Congrès", a cependant voulu rappeler au micro d'Europe 1 vendredi Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères de François Mitterrand. "Si on prend toutes les décisions du Congrès, on met sous sanctions le monde entier, alors les présidents bloquaient ça. Trump a décidé de laisser aller".

Plus de paix. "Énormément de gens dans le monde, notamment dans le monde arabe et en Europe, croyaient qu'il y avait encore un processus de paix. En fait, il n'y en a plus depuis très très longtemps. On peut dire que les extrémistes israéliens l'ont tué en tuant Yitzhak Rabbin [en 1995, ndlr]", commente encore l'ancien responsable de la diplomatie française. "En réalité, c'est une confirmation, il n'y a plus de processus de paix. Les Etats-Unis ne sont plus un intermédiaire possible, ils ne cherchent même pas à l'être. Ce fait très longtemps d'ailleurs que la position américaine est quasiment équivalente à celle du Likoud israélien [parti politique israélien conservateur et nationaliste,ndlr]".

"Même George W. Bush, le plus aligné avant Trump sur les positions israéliennes, avait parlé d'un Etat palestinien, même lui", relève Hubert Védrine. "Trump va plus loin parce qu'il se fiche totalement du monde extérieur et des réactions des uns et des autres. Il a d'ailleurs en partie détruit la diplomatie américaine ; les deux tiers des postes importants ne sont pas pourvus", souligne-t-il. 

"Trump se fiche totalement des conséquences". Pour Hubert Védrine, le geste de Donald Trump est d'abord motivé par une visée électoraliste, plutôt que par une réelle vision en matière de politique étrangère. "Il fait ça par rapport à sa base, il a besoin de succès, apparemment symboliques, et pour le reste, il se fiche totalement des conséquences". Hubert Védrine pointe cependant les nombreuses résistances au sein de l'administration américaine, et qui seraient susceptibles de freiner l'application des décisions du Commander in chief : "Je n'exclus pas que ce qui reste de diplomatie américaine essaye de gagner du temps après, pour la mise en œuvre. Ils voient bien que tout cela ne fait qu'isoler les États-Unis et exciter l'opinion mondiale contre eux".