Ukraine : à Debaltseve, les gens s'enterrent pour ne pas mourir

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Walid Berrissoul, envoyé spécial en Ukraine, avec Laurent Pelle et C. Rainfroy , modifié à
REPORTAGE - Europe 1 a pu entrer dans la ville de Debaltseve, où s'affrontent violemment les deux camps. Les derniers habitants se sont réfugiés dans des caves.

Les négociations diplomatiques se poursuivent mais, sur la ligne de front, les combats continuent. A Debaltseve, ville stratégique de l'est de l'Ukraine, les bombardements et violents affrontements ont repris, après une brève trêve vendredi pour évacuer les civils pris au piège des combats. 

Après plusieurs jours de pilonnage, Debaltseve a pris des allures de ville fantôme. Un décor de dévastation, où les habitations sont carbonisées et les immeubles éventrés, a pu constater Europe 1. Les rues, désertes, sont régulièrement secouées par des détonations régulières.

De la neige sale en guise d'eau potable. A Debaltseve, les gens s'enterrent pour ne pas mourir. Devant l'entrée d'une cave, des petits groupes de réfugiés hagards, les cheveux poussiéreux, se rassemblent parfois. Leurs regards frise la folie. Alors que les explosions retentissent, une femme avale une grande rasade de vodka artisanale, dans une bouteille en plastique. "Ca tire au-dessus de nous, on est habitués. C'est normal, tout va bien", rapporte-elle.

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Il n'y a pourtant plus rien de normal dans les caves de la ville. Des vieillards passent leurs journées assis, dans la pénombre, dans une odeur de poudre et de moisissure. Autrefois de paisibles retraités, ils vivent désormais dans le dénuement le plus total, sans eau ni électricité. Piotr, 67 ans, s'est réfugié dans une cave depuis trois semaines. Sa seule préoccupation : trouver de l'eau. "Il y a quelques jours, j'allais chercher de la neige sale sur le trottoir pour la faire fondre. Mais il ne neige plus, donc il n'y a plus d'eau", raconte Piotr.

Dans la cave voisine, Sacha et sa fille de sept ans, malade, attendent une solution au conflit. "J'aimerais bien que Porochencko et Poutine [les présidents ukrainien et russe, nldr] amènent leur famille à Debaltseve. Qu'ils ressentent ce que c'est de vivre ici, avec une enfant malade, sans eau , sans chaleur", s'agace Sacha, réunie avec sa fille autour de leur dernière bougie. 

Sasha et sa fille vivent en bas de cet escalier, dans une cave de 5m2, où il ne reste plus qu'une seule bougie.

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Plus d'issue possible. La nourriture commence également a leur manquer. Dimanche, une très maigre distribution de nourriture était organisée dans le fracas des tirs d'obus. Un seul camion, chargé de pain, a pu entrer dans Debaltseve pour approvisionner les civils.
Il y a encore 48 heures, ces habitants pouvaient encore fuir. "Nous n'avons pas d'argent et nulle part où aller", ont assuré nombreux d'entre eux à Europe 1. Un départ n'est de toute façon plus possible. Dimanche matin, le dernier bus destiné à évacuer les civils a tenté d'entrer dans Debaltseve, sans avoir finalement pu être autorisé à passer le dernier barrage. Il a donc fait demi-tour, laissant derrière lui 5.000 personnes qui se terrent encore dans les caves de la ville.

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