Syrie : Hollande et Cameron un peu seuls

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Charles Carrasco avec Isabelle Ory, correspondante à Bruxelles et agences , modifié à
Paris et Londres sont presque les seuls en Europe à vouloir lever l'embargo sur les armes.

Le coup d'éclat de Hollande. Le président français a décidé de prendre les choses en main. A Bruxelles, alors que le dossier syrien n'était pas à l'ordre du jour du sommet européen, François Hollande s'est livré à un coup d'éclat en réclamant la levée de l'embargo européen sur les armes pour l'opposition syrienne.

"Nous souhaitons que les Européens lèvent l'embargo (...) Nous sommes prêts à soutenir la rébellion, donc nous sommes prêts à aller jusqu'à là. Nous devons prendre nos responsabilités", a-t-il lancé dans sa première déclaration à la presse. Il a ensuite enfoncé le clou, demandant à l'UE de "prendre sa décision dans les prochaines semaines", et prévenant que "si d'aventure, il devait y avoir un blocage d'un ou deux pays", la France pourrait passer outre. Car selon le chef de l'Etat, "le plus grand risque, ce serait de ne rien faire, de laisser faire (...) Ce serait le chaos (...) Le plus grand risque, c'est l'inaction", a argué le président français.

Quels arguments ? François Hollande a défendu la cause de la levée de l'embargo en évoquant la menace de l'utilisation d'armes chimiques par le régime syrien. Dès lors que la coalition des mouvements d'opposition syriens est reconnue internationalement et qu'il n'y a pas de solution politique à la crise syrienne à ce jour, cette coalition doit avoir les moyens de défendre les "zones libérées" et de "répondre aux armes par les armes", a-t-il affirmé. Il a ajouté que l'opposition syrienne avait donné "toute garantie" que les armes qui lui seraient livrées ne seraient pas détournées par des groupes djihadistes et a précisé qu'une assistance militaire serait fournie pour s'en assurer.  

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Les partenaires européens réticents. Beaucoup de pays pensent exactement le contraire. Selon eux, c'est en armant les rebelles que l'on va plonger la région dans le chaos. C'est également la ligne du négociateur de l'ONU sur la Syrie. Lakhdar Brahimi est contre la levée de l'embargo. Vendredi matin, autour de la table, il n'y a eu que la Slovénie pour soutenir Paris et Londres. Selon un des participants, Angela Merkel était très agacée. La chancelière allemande n'a pas du tout apprécié de se voir imposer un sujet qui n'était pas à l'ordre du jour. D'autres dirigeants ont critiqué "un cavalier seul".

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Que dit Bruxelles ? A Bruxelles, la diplomatie européenne a été prise de court par cette "offensive". Malgré les réticences de plusieurs Etats membres, le président du Conseil européen Herman Van Rompuy a annoncé que les ministres des Affaires étrangères de l'Union réexamineraient cette question à Dublin les 22 et 23 mars. Mais elle n'a pas goûté ce manque de collégialité. Le président du Parlement, Martin Schulz, regrette pour sa part que "des pays parlent individuellement avant les autres".

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Quelle est la marge de manœuvre ? La prochaine réunion formelle des chefs de la diplomatie des Vingt-Sept est prévue le 22 avril et les rencontres informelles ne peuvent théoriquement pas prendre de décision. Les décisions européennes en matière de politique étrangère se prenant à l'unanimité des Vingt-Sept, il suffirait à la France ou au Royaume-Uni d'opposer leur veto à la reconduction de l'embargo -reconduit le 1er mars pour trois mois- pour que l'interdiction de vente d'armes tombe le 31 mai prochain.

Mais comme l'a assuré le président français, la France "prendra ses responsabilités". Il a toutefois laissé planer le doute sur la possibilité que son pays agisse seul. Ce qui pourrait signifier se mettre en marge de la légalité européenne s'il livrait des armes avant le 31 mai.