Sweetie, la fillette virtuelle qui traque les pédophiles

"Nous avons créé une fille virtuelle de 10 ans, une Philippine" sur internet, a déclaré le directeur de la branche néerlandaise de Terre des Hommes, Albert Jaap van Santbrink, au cours d'une conférence de presse à La Haye.
"Nous avons créé une fille virtuelle de 10 ans, une Philippine" sur internet, a déclaré le directeur de la branche néerlandaise de Terre des Hommes, Albert Jaap van Santbrink, au cours d'une conférence de presse à La Haye. © Max PPP
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Charles Carrasco avec AFP , modifié à
Une ONG a créé un "clone" virtuel afin de débusquer les pédophiles. L'expérience a été concluante.

L'INFO. Ils la connaissaient sous son petit nom : "Sweetie". Celle que les prédateurs sexuels ont pris pour une fillette philippine de dix ans n'était en réalité qu'une sorte de "clone" virtuel créé de toutes pièces par l'ONG Terre des Hommes pour les attirer sur le Web. Dix semaines durant, soit le temps de l'enquête, plus de 20.000 personnes issues de 71 pays différents ont contacté et proposé de l'argent pour voir cette enfant se livrer à des actes sexuels par webcam. 1.000 "prédateurs" ont ainsi pu être identifiés.

Des pères de famille, des architectes… Un exemple a été divulgué par l'ONG : un homme identifié en tant qu'"Older4Young" assurant avoir 35 ans et être le père de deux enfants, originaire d'Atlanta, aux Etats-Unis, propose rapidement 10 dollars américains à Sweetie, écrivant : "allume ta webcam, je suis excité". Parmi ces "prédateurs", plus de 1.000 ont été "facilement" identifiés. "Il y avait de tout, des hommes de 30 ans, 35 ans, 45 ans, 50 ans, des pères de famille, un musicien, un architecte, etc.", a expliqué le directeur de la branche néerlandaise de Terre des Hommes, Albert Jaap Van Santbrink. Les "prédateurs" étaient "issus du monde entier, d'Amérique, d'Europe, mais aussi de pays tels que l'Inde, le Japon, la Corée du Sud".

sweetie 930.310

Comment ont-ils travaillé ? L'équipe d'enquêteurs de l'ONG était constituée de quatre personnes, dont l'identité a été tenue secrète. "Se mettre dans la peau d'une fillette philippine de dix ans et voir ce que certains hommes veulent de vous a été une expérience choquante pour elles", a affirmé Hans Guyt, responsable de l'enquête. "Il y avait des demandes et des gestes vraiment obscènes", a-t-il précisé, expliquant que des images vidéos des pédophiles ont été prises pendant les séances de "chat".

Les enquêteurs de l'ONG n'ont par ailleurs jamais proposé quoi que ce soit aux personnes piégées mais avaient attendu que les demandes soient formulées spontanément, sans être provoquées. De même, ils n'entamaient pas les conversations. Ils attendaient d'être contactés. Terre des Hommes a précisé que les conversations étaient systématiquement arrêtées une fois que les "prédateurs" proposaient de payer pour voir des actes sexuels. "Il est évident que nous n'avons montré aucun acte sexuel à ces gens, on s'arrêtait avant",  a assuré Albert Jaap Van Santbrink.

19.11.Pedophilie.Ordinateur.930.620

Des photos et des adresses transmises à Interpol. L'ONG a pu retrouver leurs adresses, leurs numéros de téléphone et des photos d'eux, et a transmis leur identité aux autorités compétentes, en particulier à Interpol, l'organisation de coopération internationale de la police. "Vu que tout cela a lieu sur Internet, ils pensent que personne ne les observe, il a donc été facile de collecter des informations à leur sujet", a déclaré Hans Guyt, responsable de l'enquête.

Terre des Hommes, qui a fait circuler une pétition au niveau mondial, a expliqué avoir transmis son modus operandi aux autorités de différents pays. "Nous avons suivi les procédures utilisées par les forces de police", a soutenu Hans Guyt, expliquant avoir procédé de la sorte pour obtenir des preuves qui pourraient être utilisables : "nous ne sommes ni des procureurs, ni des juges, ce sera à eux de décider quoi faire avec les éléments que nous avons transmis".

"Nous aurions pu en identifier 10.000". L'ONG souhaite sensibiliser l'opinion publique et les autorités au phénomène de la prostitution des enfants sur Internet. Elle s'est aussi indignée du nombre réduit de personnes interpellées pour ce qu'elle qualifie de "tourisme du sexe avec enfant par webcam". Seuls six individus dans le monde ont été inquiétés ces dernières années, selon Terre des Hommes. Albert Jaap Van Santbrink a soutenu que si l'ONG avait été capable d'identifier plus de 1.000 "prédateurs", les autorités du monde entier devraient être en mesure d'en identifier beaucoup plus. "Avec plus de ressources, nous aurions facilement pu en identifier 10.000", a affirmé le directeur de la branche néerlandaise de Terre des Hommes, Albert Jaap van Santbrink.

Selon l'ONG, qui cite des chiffres de l'ONU, environ 750.000 pédophiles peuvent être, simultanément, en ligne sur Internet et que, rien qu'aux Philippines, des dizaines de milliers d'enfants sont victimes de tels "prédateurs" sur Internet.