Nucléaire iranien : "tout le monde a gagné avec cet accord"

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INTERVIEW E1 - Ardavan Amir-Aslani, avocat et essayiste franco-iranien, analyse l'accord de principe passé entre l'Iran et les pays occidentaux comme une victoire pour toute la communauté internationale.

Le marathon diplomatique à peine clos, l'heure est au bilan. Alors que l'Iran et les six Etats (les cinq du Conseil de Sécurité plus l'Allemagne) qui négociaient sur le dossier du nucléaire iranien ont trouvé un accord de principe jeudi à Lausanne, Ardavan Amir-Aslani, avocat et essayiste franco-iranien, décrypte la nouvelle donne internationale au micro d'Europe 1. Pour lui, "il ne faut pas réfléchir en terme de gagnant-perdant", c'est une situation où "tout le monde y gagne".

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Parce qu'au-delà du nucléaire, c'est l'équilibre régional du Moyen-Orient qui se redresse en faveur de Téhéran et de Washington.

Levée de l'embargo sur l'Iran contre possibilité d'exercer un contrôle sur le développement du programme nucléaire de Téhéran, les deux parties semblent en effet avoir trouvé leur compte. Mais au-delà de la seule question du programme nucléaire, c'est l'équilibre géopolitique régional qui se trouve bousculé, là aussi au profit de l'Occident comme de l'ancienne Perse. "Au-delà du nucléaire, c'est la question du retour de l'Iran dans l'équilibre de la région, d'un pays qui pourra peser face au djihadisme sunnite wahhabite, qui importe", appuie Ardavan Amir-Aslani. Et pour cause, l'Iran, puissance chiite, devient "fréquentable" grâce à cet accord. Et peut légitimement s'aligner aux côtés de la coalition internationale engagée contre l'organisation de l'Etat islamique, qui sévit en Irak, en Syrie mais aussi au Yémen.

Parce que l'accord, même s'il n'est pas encore finalisé, offre des garanties solides aux puissances occidentales et le retour dans l'économie mondiale à l'Iran.

L'accord rebat donc les cartes au-delà de la seule question de la bombe atomique iranienne. Mais pour ce faire, encore faut-il pouvoir garantir qu'il soit respecté. Car pour l'instant, seules les grandes lignes de l'accord ont été fixées. Mais l'avocat se veut rassurant au micro de Thomas Sotto : "Cela va être impossible de développer un programme nucléaire militaire pour l'Iran parce que l'accord autorise l'AIEA à recourir à des mesures extrêmement intrusives. L'autorité  internationale pourra contrôler et vérifier l'étendue du développement nucléaire iranien, il ne s'agit donc pas seulement de faire confiance à l'Iran, mais surtout de vérifier au quotidien et au concret les engagements pris par Téhéran. Les contrôles vont durer pendant 15 ans au moins. Des caméras vont être installées, des visites surprises seront organisées. Le but, c'est que l'Occident puisse disposer d'un an au moins pour réagir si le programme pour obtenir la bombe est engagé."

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A bien y regarder, tout le monde ne sort pas gagnant de cet épisode diplomatique majeur. Israël craint pour sa sécurité.

Si les modalités précises de ces contrôles doivent être encore déterminées d'ici au 30 juin prochain, l'accord "met un terme définitif à la recherche de l'arme nucléaire à Téhéran". Ardavan Amir-Aslani se réjouit donc qu'il n'y ait "plus de risque de prolifération nucléaire au Moyen-Orient". Le seul qui ne se réjouissait pas jeudi soir, c'était Benyamin Netanyahou, le Premier ministre israélien. Lors d'un entretien au téléphone avec Barack Obama, il a dénoncé "une erreur historique". A ce sujet, l'essayiste franco-iranien analyse : " Voilà 20 ans que Netanyahu répète que l'Iran est à quelques mois d'obtenir la bombe. Cela n'est jamais arrivé. On ne peut pas prendre un pays en otage parce qu'un ancien président a fait une déclaration insupportable et intolérable" (l'ancien président iranien Ahmadinejad avait proféré des menaces à l'encontre de Jérusalem, même si le ministre du renseignement israélien avait par la suite reconnu qu'il n'avait jamais appelé à "rayer Israël de la carte", comme il avait pu être rapporté initialement, NDLR). Une affirmation discutable puisque Mohamed Reza Naqdi, chef des forces révolutionnaires iraniennes, avait réaffirmé le 31 mars dernier que détruire Israël était une des ambitions "non négociables de Téhéran". Signe que les tensions régionales sont encore loin d'être apaisées. 

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