Matchs truqués : pas d'Euro pour Criscito

La police italienne enquête sur des dizaines de matchs truqués de la saison 2010-2011, notamment entre la Lazio de Rome et le Genoa et entre Lecce et la Lazio.
La police italienne enquête sur des dizaines de matchs truqués de la saison 2010-2011, notamment entre la Lazio de Rome et le Genoa et entre Lecce et la Lazio. © REUTERS
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La police italienne a arrêté 19 personnes dans le cadre de l'enquête sur des paris arrangés.

Des joueurs de foot sous les verrous, des transports mystérieux de mallettes, un réseau de paris truqués qui va de Singapour à l'Italie en passant par la Hongrie… Ce n'est pas le dernier film de mafia présenté à Cannes, mais bel et bien la réalité qui est en train de secouer lundi le calcio, le championnat de foot Italien. Pas moins de 19 personnes viennent d'être arrêtées pour "association de malfaiteurs à des fins de tricherie et de fraude sportive", dont le capitaine de la Lazio de Rome, Stefano Mauri. L'international Domenico Criscito a également été interrogé par la police lundi matin, et se voit donc privé d'Euro 2012, afin de "clarifier sa situation". Il s'agit là du dernier rebondissement de la tentaculaire enquête "Last bet" ("Dernier pari" en anglais), mené par le parquet de la ville italienne de Cremone, sur une affaire de matchs truqués. Europe1.fr fait le point.    

Qui est concerné ? La police vient d'interpeller 19 personnes travaillant dans le championnat italien, dont plusieurs joueurs de Serie A, Serie B et de Lega Pro, une division inférieure du football italien. Elle a également effectué des perquisitions dans une trentaine de domiciles de joueurs, d'entraîneurs et de gérants de clubs. Parmi les personnes arrêtées figure aussi Omar Milanetto, ancien milieu de terrain du Genoa.

Cinq autres suspects ont aussi été interpellés en Hongrie, soupçonnées d'être à la tête d'un réseau de paris truqués.

Que leur reproche-t-on ? L'enquête "Last Bet" porte sur un certain nombre de matchs du championnat italien de la saison 2010-2011, dont 22 en série A. Certains acteurs du calcio sont soupçonnés d'avoir été corrompus pour provoquer la défaite de leur équipe. Au sommet de l'échelle, des parieurs auraient misé des millions d'euros sur le résultat des matchs.  

Les matches de football truqués en Italie pouvaient rapporter jusqu'à 2 millions d'euros pour une seule rencontre, a affirmé lundi le procureur de Crémone Roberto Di Martino, chargé de l'enquête. "Pour Lecce-Lazio, le gain tiré des paris serait d'environ 2 millions d'euros, et 600.OOO euros ont été utilisés pour la corruption des licenciés" (joueurs, ndlr), a-t-il expliqué. Le procureur a cité d'autres matches de la saison 2010-2011 soupçonnés d'avoir été arrangés par les parieurs, parmi lesquels Bari-Sampdoria et Lazio-Genoa, en plus de Lecce-Lazio, ainsi que "sept à huit matches de Sienne regardés à la loupe pour de possibles manipulations.

La justice enquête d'ailleurs également sur Antonio Conte, l'entraineur actuel de la Juventus de Turin, champion cette année. Les faits qui intéressent les enquêteurs remontent à la saison dernière, quand Conte entraînait Sienne en deuxième division (Serie B).

À quand remonte l'affaire ? Tout commence en décembre 2010. Paolo Paolini, le gardien de but de Cremone, aurait été approché par des parieurs de Bologne pour truquer un match face à l'équipe de Paganese. Le joueur aurait versé des somnifères dans le verre de ses coéquipiers pour leur faire perdre le match.

Intrigué par la mollesse de leurs joueurs, les dirigeants de Cremone portent plainte et une enquête s'ouvre alors. A force de perquisitions, d'écoutes téléphoniques  et de mises en examen de joueurs, les enquêteurs parviennent à déceler un immense réseau de triche, qui sévit en Italie mais aussi en Finlande, en Allemagne, en Afrique, en Amérique du Sud et dans les pays arabes.

En juin 2011, ils vont d'ailleurs jusqu’en Finlande interroger un parieur repenti, Wilson Perumal, qui purge une peine de prison de cinq ans. Wilson Perumal les conduit alors jusqu'à Singapour, ou vit Tan Seet-Eng, dit "Dan", le cerveau présumé d'un immense réseau.

Des dizaines de personnes sont arrêtés entre juin 2011 et aujourd'hui, dont l'ex-international italien Giuseppe Signori, l'ancien capitaine de l'Atalanta Cristiano Doni ou encore l'ancien joueur de Bari Andrea Masiello. "Dan" est lui incarcéré en décembre.

Vittorio Micolucci, l'un des joueurs repentis, a témoigné au Monde en janvier dernier : "Dans la nuit du 31 mars 2011, j'ai rencontré Gervasoni (un autre joueur corrompu). On avait joué ensemble à Bari. Nous nous sommes vus dans une voiture. Au volant, il y avait un étranger qui traduisait les propos d'un autre type avec une balafre. Des types de 30, 35 ans. Pas des athlètes en tout cas. Ils m'ont dit qu'ils étaient disposés à payer pour truquer des parties. Ils m'ont montré des billets. Il y avait environ 200 000 euros." 

Tous les joueurs ont-ils cédé ? L'affaire compte aussi ses héros. Simone Farina, joueur du modeste club toscan de Gubbio, aurait lui aussi été approché par des joueurs corrompus, dont Alessandro Zamperini, un ancien joueur de Serie B. Ce dernier lui aurait proposé 200 000 euros en novembre 2011, pour corrompre d'autres joueurs de son club. Il refuse, et, en accord avec ses dirigeants, décide de porter plainte.

"C’est peut-être le défi le plus difficile de ma carrière. Mais je préfère une vie tranquille et une certaine intimité. Maintenant, j’ai besoin de silence et d’être protégé. Mais je suis convaincu d’avoir fait ce qu’il fallait", témoigne-t-il au quotidien Il Fatto.

Son témoignage avait alors permis à la justice d'arrêter 17 personnes.