Manuel Pardo Jr, le vrai Dexter

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avec Guillaume Biet , modifié à
PORTRAIT - Cet ancien flic de Miami a tué neuf dealers de drogue en 1986. Il a été exécuté.

Il aurait aimé en avoir liquidé davantage. Manuel Pardo, flic le jour, tueur en série la nuit, peut se targuer d’avoir un profil de criminel atypique unique.Un profil d’ailleurs tellement particulier que l’on ne peut que s’interroger sur les similitudes avec celui d’un autre prédateur de fiction : Dexter Morgan, serial killer méthodique et glaçant de la série télé éponyme. Manuel Pardo Jr a été exécuté dans la nuit de mardi à mercredi, selon les autorités pénitentiaires de Floride. 

Et si les scénaristes s’étaient inspirés de  celui qu’on surnomme "Manny" Pardo, pour élaborer le personnage complexe de la série à succès ? Les intéressés nient, mais pour Stéphane Bourgoin*, spécialiste des tueurs en série, qui a échangé de nombreuses lettres avec Manu Pardo Jr depuis sa prison aux Etats-Unis, il n’y a aucun doute  : la série ne peut qu’être tirée de la vie de cet homme qui a commis neuf meurtres en 1986 en Floride.

Deux animaux au sang froid

Les deux "personnages" partagent, en effet, des similitudes. "Manny" Pardo, 56 ans, n’a jamais eu l’once d’un regret pour ses neuf victimes. Toutes étaient des "parasites de la société", des trafiquants de drogue qui, selon ses critères, méritaient donc de mourir.

Cet ancien militaire, né et élevé à New York, avait intégré la police de Sweetwater, en Floride, après avoir brièvement fait partie des patrouilles des autoroutes. Il avait même reçu les félicitations de ses supérieurs après avoir ranimé un jeune garçon en lui faisant du bouche-à-bouche. Mais derrière ce flic se cachait un tueur en série.

1986, l’année où tout a basculé

C’est en janvier 1986 que Manuel Pardo Jr passe pour la première fois à l’acte, après avoir été renvoyé de la police pour faux témoignage. Il s’associe alors avec Rolando Garcia, un ouvrier rencontré via son beau-frère. Ils tuent alors leurs deux premières victimes Mario Amador, 33 ans, ingénieur civil qui arrondit ses fins de mois en vendant de la drogue ; et son complice Roberto Alfonso, âgé de 28 ans.

A la fin du même mois, Manuel Pardo Jr abat un opposant haïtien au président en place. Il expliquera plus tard aux policiers qu’il pensait que cet homme, Michael Millot, 43 ans, était en fait un agent sous couverture chargé de le démasquer. Puis en février, il s’en prend à Ulpiano Ledo, un prêtre de 39 ans et Luis Robledo, 37 ans, qu’il croit être des trafiquants de drogue. Puis suivent Sara Musa, 30 ans et  Fara Quintero, 28 ans, avec qui Pardo et Garcia se disputent pour une histoire de bague prêtée sur gage. Et enfin, il tue Daisy Ricard, 38 ans et son petit ami, dealer de drogue, Ramon Alvero Cruz, âgé de  40 ans.

Les méthodes de Dexter

Neuf victimes, toutes tuées selon le même rituel. Après les avoir abattues, "Manny" Pardo récupérait les douilles, photographiait les corps avec un appareil Polaroid et brûlait le tout dans une urne en pierre d’albâtre. Un procédé censé conduire directement les âmes des victimes en enfer, selon les croyances de la religion vaudou afro-cubaine Santeria, dont il était adepte", détaille Stéphane Bourgoin.

Des méthodes qui rappellent, elles aussi, celles utilisées par Dexter. Ce dernier, membre de la police, expert en "sang" pour l’analyse des scènes de crimes, a pris la fâcheuse habitude, pendant son temps libre, de tuer ceux qu’il considère comme "mauvais" pour la société. Puis, il récupère un échantillon du sang de chacune de ses victimes entre deux lamelles de verre, découpe le corps, enferme les morceaux dans des sacs en plastique et s'en débarrasse dans la mer.

Un personnage au  nom quasiment identique

Pour Stéphane Bourgoin, il n’y a pas de doute. L’un des personnages porte même un nom proche de celui du véritable tueur : le procureur-tueur en série, Miguel Prado, personnage qui fait son apparition dans la saison 3. "Ce cas de flic tueur en série a fait la Une de tous les médias en Floride de 1986 à 1988 et l’auteur des romans sur Dexter ne pouvait pas l’ignorait puisqu’il a toujours vécu à Miami", observe encore le spécialiste pour qui il est évident que les scénaristes se sont inspirés du vrai tueur.

Dans ses échanges avec Stéphane Bourgoin, Manu Pardo Jr raconte qu’il était un soldat en mission. "Des trafiquants, j’aurais aimé en tuer 99", écrit le serial killer. Mais contrairement au personnage de la série, en qui l’on peut reconnaître une forme - bien particulière, certes - de morale, Manuel Pardo, lui, ne s’embarrassait d’éthique. Le "punisseur" des trafiquants de drogue  n’hésitait pas, après avoir tué ses victimes, à récupérer leur cargaison de drogue… pour la revendre.

*Stéphane Bourgoin est spécialiste des serials killers et auteur de Mes conversations avec les tueurs publié chez Grasset.