Le no man's land espagnol

L'Espagne subit la crise au quotidien. Certaines villes suppriment les feux tricolores la nuit, au risque de provoquer des accidents.
L'Espagne subit la crise au quotidien. Certaines villes suppriment les feux tricolores la nuit, au risque de provoquer des accidents. © Reuters
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REPORTAGE - La crise a des conséquences très concrètes sur le quotidien des Espagnols.

L'ombre de la crise plane au-dessus de l'Espagne. Bibliothèques fermées, bâtiments inachevés, gares et aéroports vides. Les effets de la crise sont visibles au quotidien pour les Espagnols, comme l'explique Henry de Laguérie, correspondant pour Europe 1 à Barcelone.

"Des villes-fantômes"

Immeubles à vendre, bâtiments neufs, mais tous vides : plusieurs dizaines de villes fantômes ont poussé comme des champignons en Espagne en l'espace d'une décennie. Faute d'argent, elles sont aujourd'hui à l'abandon. Le constat est le même pour les gares de TGV : elles sont vides, comme tous les très beaux aéroports construits récemment. On en compte 52 en Espagne, soit deux fois plus qu'en Allemagne, mais la moitié sont vides. Autre exemple : à Anglès, en Catalogne, la belle bibliothèque construite très récemment n'a jamais ouvert ses portes. Et pour cause, la municipalité n'a plus d'argent pour acheter des livres.

Et il n'y a pas de petites économies : certaines villes suppriment même les feux tricolores la nuit, au risque de provoquer des accidents. Enfin, cet hiver, à Valence ou à Majorque, des enfants et des adolescents ont dû aller en classe sans chauffage car les établissements scolaires n'arrivaient plus à payer leurs factures.

Pas de défaitisme

Étonnamment, les Espagnols affrontent cette crise avec beaucoup de courage. On ne constate pas de grande déprime collective. Bien sûr la peur existe. Beaucoup de jeunes diplômés partent d'ailleurs, comme leurs grands-parents il y a 50 ans, afin de trouver du travail au Brésil ou en Allemagne. Mais il n'y a pas de panique. On ne voit pas de files d'attente devant les banques par exemple. De fait, c'est le pragmatisme qui domine. En effet, l'Espagne n'est plus une grande puissance depuis longtemps et personne n'a la nostalgie du passé. "On en a vu d'autres", commentent souvent les Espagnols, refusant tout ton défaitiste.

Autre surprise, les bars se remplissent le soir. En ces temps difficiles, les Espagnols ont besoin de sortir, de se changer les idées. D'autre part, des solutions alternatives émergent. Les restaurants proposent ainsi des menus "anti-crise". Et, entre voisins, l'entre-aide est de mise. Entre générations également. La crise a donné naissance à de nouvelles formes de solidarité.