Ces crimes racistes qui inquiètent les Américains

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Assiya Hamza , modifié à
Deux crimes "racistes", commis à un mois d'intervalle, ont suscité l'émoi même s'ils restent différents.

L’Amérique est sous le choc. Un mois après la mort de Trayvon Martin, un jeune noir de 17 ans tué par le responsable blanc d'une milice de surveillance dans un quartier de Sanford en Floride, une mère de famille irakienne a été mortellement agressée samedi, chez elle, en Californie. Ces deux crimes, immédiatement rapprochés par les médias, ont ébranlé l'opinion publique américaine. Alors que la campagne électorale pour la présidentielle de novembre bat son plein, ces affaires ont réveillé le spectre du racisme.

Tout commence le 26 février. Trayvon Martin achète des sucreries dans une épicerie du quartier résidentiel de Sanford. Sur le chemin du retour, il appelle sa petite amie pour lui dire qu'un "type est train de le suivre". George Zimmerman, qui effectue des rondes de surveillance, l'a en effet pris en filature. Le tort de Trayvon Martin ? Porter une capuche qui le rend "suspect", rapporte le Washington Post.

Le profilage racial dénoncé

Quelques instants plus tard, le responsable de la milice tire sur l'adolescent. Trayvon Martin meurt sur le coup. A leur arrivée sur place, les policiers trouvent l’adolescent au sol, une bouteille de thé glacé et des bonbons non loin de lui. Mais sans arme, précise ABC. George Zimmerman, d'origine hispanique, est brièvement arrêté puis relâché après l'invocation de la légitime défense. Aujourd'hui, l'affaire enflamme la Floride, où des manifestations ont lieu quotidiennement pour dénoncer un nouvel exemple de profilage racial. Le président Barack Obama s'est même emparé de l'affaire. "Si j'avais un fils, il ressemblerait à Trayvon Martin", a-t-il déclaré.

Pour Laurence Nardon, responsable du programme États-Unis à l'Institut français des relations internationales, "ce crime horrible est un fait divers qui a attiré l’attention en raison de la campagne électorale". "Le sud des Etats-Unis avec la Louisiane, l'Alabama et la Floride, est une région anciennement esclavagiste où les tensions raciales n'ont jamais vraiment disparu. Même si aujourd'hui Barack Obama est président, il y a toujours des white supremacist (suprématie blanche). Ils sont un peu les descendants du Klu klux klan et pensent que les blancs sont supérieurs. Des crimes racistes, il y en a très souvent", insiste Laurence Nardon.

"Tu es une terroriste"

Le 21 mars, le second drame s'est joué à des milliers de kilomètres de la Floride. Shaimal Alawadi, une mère de famille irakienne de 32 ans, est retrouvée inconsciente dans sa maison d’El Cajon, dans le comté de San Diego en Californie. Après l'avoir battue à mort, son agresseur a laissé une note à côté de son corps agonisant "Retourne dans ton pays. Tu es une terroriste" , rapporte le San Diego Union-Tribune.

Battue avec une clé à pipe, elle est morte le 25 mars dans un hôpital de San Diego. L'une de ses cinq filles, Fatima Al Himidi, a raconté qu'une semaine avant le meurtre, une lettre leur avait été adressée leur demandant de retourner en Irak. "Ceci est notre pays, pas le vôtre, vous êtes des terroristes'", a-t-elle raconté sur la chaîne KGTV.

Des scènes de liesse à la mort de Ben Laden

Une première aux Etats-Unis jusqu'alors épargnés par les crimes islamophobes. "Ce crime est très inhabituel presque exceptionnel. Après les attentats du 11 Septembre, il y avait eu très peu d'actes racistes contre les musulmans et les arabes", rappelle Laurence Nardon. "La communauté arabo-musulmane est extrêmement bien intégrée. Lorsque Ben Laden a été tué, toutes les télés ont montré des images de liesse de cette minorité, brandissant le drapeau américain", insiste cette spécialiste des Etats-Unis.

Finalement, ces deux crimes peuvent-ils être rapprochés ? Les réseaux sociaux semblent avoir tranché. Sur Twitter, les hashtags #RIPTrayvonMartin et #RIPShaima sont devenus indissociables. Les internautes postent même des photos de voiles ou de sweet-shirts à capuches, accompagnées du hastag #hoodiesandhijabs (#capuchesethijabs). Un avis que ne partage pas Laurence Nardon. "Il ne faut pas les mettre dans le même panier. Ces deux crimes traduisent des situations de minorités très différentes", conclut-elle.