Boston : "boucler une ville est nouveau"

A Boston vendredi
A Boston vendredi © Reuters
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Sophie Amsili avec Nicolas Poincaré et Isabelle Millet , modifié à
LE POINT DE VUE DE - Alain Bauer, conseiller spécial de la police de New York, analyse le siège de la ville.

Alors que la traque se poursuit à Boston vendredi soir pour retrouver le deuxième auteur présumé de l'attentat de lundi, Alain Bauer, professeur de criminologie et conseiller spécial des polices de New York et Los Angeles, a répondu aux questions de Nicolas Poincaré dans Europe 1 Soir.

Est-ce une traque exceptionnelle qui a lieu en ce moment à Boston ?

La traque non, mais la fermeture d'une ville complète, son isolement, l'interdiction de sortir chez soi et la suppression des réseaux de transports urbains est une première. Concernant les moyens de la traque, quand un policier est abattu aux Etats-Unis comme cela a été le cas sur le campus du MIT, cela amène une concentration considérable de moyens qui est toujours extrêmement spectaculaire. Le bouclage d'une ville est une nouveauté.

Comment s'est déroulée l'enquête qui a permis d'identifier très vite les suspects ?

Il y a eu deux phénomènes. Ce qu'il a fallu faire au départ, c'est identifier le moment et le lieu particulier, les silhouettes et les visages de gens qui étaient particulièrement suspects. Ensuite, il y a l'analyse vidéo et notamment "morpho-vidéo", c'est-à-dire l'usage non pas uniquement du visage tel qu'on peut le reconnaître mais de formules mathématiques qui permettent d'identifier un visage par rapport aux banques de données : les fichiers de l'immigration, les demandes de visas et de permis de séjour, des réfugiés politiques ou des étudiants… Tous ces éléments font l'objet d'une banque de données considérables et dynamiques que les Américains ont mis en place après 2001 [les attentats du 11 septembre, ndlr] et qui permettent de retrouver par des formules mathématiques très développées des individus même si on n'a pas totalement leur photographie de face. Au moment où la police a lancé un appel à témoins, les machines ont fonctionné, notamment celle du FBI qui dispose de la plus puissante avant celle de la police de New York. C'est ce qui a accéléré l'enquête.

L'origine tchétchène des deux suspects a-t-elle surpris les Américains ?

Par particulièrement. Je crois que ce qui a surpris, c'est qu'ils étaient là depuis longtemps. Mais déjà en 2003-2004, une étude de la police de New York, qui s'appelait "La radicalisation en Occident" et que j'avais coordonnée, avait démontré qu'on était en train de passer d'un dispositif de terroristes importés à des terroristes implantés, qui étaient présents depuis longtemps coupés entre deux cultures, celle de l'Occident et celle de leur pays d'origine. Et qu'en général, ils commettaient des attentats artisanaux et de proximité. C'est exactement, pour l'instant, le profil des deux opérateurs présumés de l'attentat de Boston.

Obama dit que ce que craint le plus l'Amérique, ce sont les "loups solitaires"...

Je ne crois pas à l'existence de loup solitaire. Je pense qu'il s'agit d'opérateurs qui sont connectés, notamment par Internet, à d'autres dispositifs qui leur permettent d'apprendre à faire des bombes, comme la bombe "cocotte minute" qui ressemble beaucoup à la bombe "bombonne de gaz" que nous avons eu il y a vingt ans en France. On ne se radicalise pas tout seul ou extrêmement rarement.