Le parquet de Créteil a ouvert jeudi une information judiciaire contre X pour "faux en écriture publique", "escroquerie au jugement" et "violences volontaires". 1:21
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avec AFP , modifié à
Cinq ans après l'attaque de Viry-Châtillon, un juge d'instruction va examiner les accusations de falsifications de l'enquête menée par la sureté départementale de l’Essonne en 2016. Le parquet de Créteil a ouvert jeudi une information judiciaire contre X pour "faux en écriture publique", "escroquerie au jugement" et "violences volontaires".

Nouveau rebondissement dans l'affaire des policiers brûlés de Viry-Châtillon. Cinq ans après l'attaque aux cocktails molotov et deux procès aux assises, un juge d'instruction va examiner les accusations de falsifications de l'enquête menée par la sureté départementale de l’Essonne en 2016.

Le parquet de Créteil, sollicité par l'AFP, a ouvert jeudi une information judiciaire contre X pour "faux en écriture publique", "escroquerie au jugement" et "violences volontaires", le tout par "personne dépositaire de l'autorité publique". Ces qualifications reprennent celles visées par quatre plaintes qui ont été déposées par la défense de plusieurs jeunes, accusant les enquêteurs de la Sûreté départementale de l'Essonne d'avoir falsifié l'enquête pour les impliquer à tort dans l'attaque.

"Naufrage judiciaire"

Le 18 avril dernier, au terme de six semaines de procès en appel à huis clos, la cour d'assises des mineurs de Paris a déclaré cinq des 13 accusés coupables de tentative de meurtre sur des policiers. Trois d'entre eux, condamnés à 18 ans de réclusion, se sont pourvus en cassation. Deux autres accusés ont été condamnés respectivement à 6 et 8 ans de réclusion.

Ce verdict, qualifié de "naufrage judiciaire" par les avocats d'une des victimes et très contesté par une partie de la classe politique, a été notamment motivé par "l'absence de preuves suffisantes" pour huit des treize accusés, selon la feuille de motivation.

La cour jugeait des faits qui s'étaient déroulés presque cinq ans plus tôt : le 8 octobre 2016, 16 personnes avaient attaqué, pour certaines avec des cocktails Molotov, deux voitures de police stationnées près du quartier de la Grande Borne, une vaste cité d'habitat social considérée comme l'une des plus sensibles d'Île-de-France. Les assaillants étant masqués, il a été impossible de les reconnaître et l'enquête a reposé sur beaucoup de témoignages, dont certains se contredisaient, et le bornage téléphonique.

"Ils n'ont pas peur de nous"

Selon la plainte commune déposée par Me Sarah Mauger-Poliak, Yaël Scemama et Michel Stansal, avocats de la défense, les enquêteurs ont rédigé les procès-verbaux "en modifiant le sens des déclarations, en éludant les protestations d'innocence, un grand nombre des explications circonstanciées et sans acter les demandes de vérification des éléments prouvant l'absence d'implication" de leurs deux clients, acquittés en appel dont l'un avait été condamné à 18 ans en première instance en 2019.

Dénonçant nommément les enquêteurs, ils estiment que les interrogatoires ont été retranscrits à la défaveur des accusés, et que des "coupables auraient été sciemment remis en liberté".

Par ailleurs, toujours selon cette plainte, le témoin clé de l'enquête n'a pas "spontanément" produit une "liste des participants à l'attaque" comme l'ont assuré les enquêteurs. "On ne peut que se réjouir de l'ouverture d'une instruction judiciaire pour faire la lumière sur des faits complexes en dehors de toute pression politique", a réagi auprès de l'AFP Me Mauger-Poliak.

Frédérick Petipermon, avocat d'un des accusés condamné à 18 ans de prison en appel et qui s'est pourvu en cassation, avait déjà déposé deux plaintes à Évry, le 26 février et le 10 mars, pour "faux en écriture publique".  

L'avocat Frank Berton a déposé également plainte notamment pour "escroquerie au jugement" et "violations du code de la sécurité publique". Un rapport de police daté du 16 avril 2018 et rédigé par la sureté départementale de l'Essonne, pointe également du doigt l'enquête et estime qu'il est "difficile de déterminer les agissements et responsabilités individuelles des individus".

"Toute cette enquête et toutes les identifications de suspects sont basées sur des témoignages humains qui pour la plupart ne font que rapporter des faits qui leurs ont eux-mêmes été rapportés de la bouche desdits suspects et sur quelques aveux du bout de lèvres de certains de ces suspects", assure ce rapport consulté par l'AFP.

Contacté par l'AFP, Jérôme Andrei, l'avocat des enquêteurs, n'avait pas répondu dans l'immédiat

Dans une interview accordée au Parisien au mois de juin, trois policiers de la Sureté départementale se sont défendus de ses accusations: "on n'interroge pas un criminel potentiel en lui offrant le thé", avait expliqué l'un d'eux. "Ces jeunes ont toujours eu affaire à la police, ont des avocats depuis leur plus tendre enfance, n'ont pas peur de nous. Vous vous doutez bien qu'on ne va pas prendre pour argent comptant la première réponse".