"Un commando armé s'est posé dans la cour d'honneur" : le récit de l'évasion de Redoine Faïd

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Redoine Faïd s'est échappé de la prison de Réau au terme d'un rocambolesque scénario minutieusement exécuté, samedi. © AFP
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avec AFP , modifié à
En une dizaine de minutes seulement, le braqueur récidiviste, déjà évadé en 2013, a été exfiltré de sa prison par trois complices armés, dimanche. Une opération vraisemblablement prévue dans les moindre détails.

Il est environ 11h15 lorsque le bruit de l'hélice s'approche de la prison de Réau, en Seine-et-Marne. Rapidement, le doute n'est plus permis : l'hélicoptère que certains des quelque 600 occupants distinguent depuis leurs cellules vise le centre pénitentiaire. Un détenu le filme même avec un téléphone portable clandestin, normalement interdit en détention. "C'est du lourd", commentera-t-il en postant les images sur les réseaux sociaux. Sous ses yeux, un projet d'évasion soigneusement préparé est en cours de réalisation.

Un pilote pris en otage. Quelques minutes plus tôt, deux hommes ont braqué l'instructeur d'un hélicoptère de type Alouette à Lognes, en Seine-et-Marne. Le pilote croyait rencontrer des clients pour un baptême de l'air, prévu depuis une quinzaine de jours.  Sous la menace, il les a conduits jusqu'à Melun, à une trentaine de kilomètres au sud, pour récupérer un autre complice. Puis vers Réau, environ dix kilomètres plus au nord.

Alors que l'engin touche au but, Redoine Faïd échange lui avec son frère, au parloir. Déjà évadé de la prison de Lille-Sequedin en 2013 et définitivement condamné à 25 ans de prison pour son implication dans la course-poursuite ayant coûté la vie à Aurélie Fouquet en avril, le braqueur fait l'objet d'un suivi particulier. Placé à l'isolement, il est incarcéré sous le statut de "détenu particulièrement signalé", mais peut toujours recevoir des visites. Accompagné jusqu'au box, il a été laissé seul avec son visiteur, sous la surveillance d'un gardien, contre deux d'habitude. Le timing de l'évasion est parfait. À Réau, comme dans une grande partie des prisons françaises, les "brouilleurs" censés empêcher les communications entre l'intérieur et l'extérieur sont obsolètes.  

Qui est Redoine Faïd, le "roi de l'évasion" ?

Des brassards de police. "Un commando armé s'est posé dans la cour d'honneur du centre pénitentiaire", commentera sobrement l'administration pénitentiaire. En réalité, l'hélicoptère ne se pose pas vraiment. Il reste en léger survol au dessus de l'étroite cour, le seul endroit de toute l'enceinte à ne pas être équipé d'un filet anti-aérien. Et pour cause : les détenus n'y passent jamais, sauf pour sortir de prison, à l'issue de leur peine. La cour n'est pas non plus visible depuis les miradors, où se trouvent les seuls personnels armés.

Le compte à rebours est lancé. Deux hommes sortent de l'hélicoptère et lancent  des fumigènes dans la cour, tandis que le troisième tient le pilote en joue. Vêtus de noir, le visage dissimulé par des cagoules, les complices de Redoine Faïd portent des brassards de police. Ils sont lourdement armés, de fusils d'assaut de type kalachnikov. Impuissants, les surveillants se réfugient à l'intérieur, dans des postes protégés. Ils donnent l'alerte.

"Hourras" chez les détenus. Mais les braqueurs progressent vite. Équipés d'une disqueuse, ils découpent une porte presque jamais utilisée, donnant directement de la cour sur un chemin de service. Au bout du couloir : le parloir. Par ce biais, une dizaine de mètres seulement les séparent de leur cible. Peut-être le circuit a-t-il été élaboré grâce au survol de drones, repérés par les services pénitentiaires quelques mois plus tôt.

Plus rien n'arrêtera les deux hommes, qui remontent à trois à bord de l'hélicoptère, sous les "hourras" des autres détenus. Le pilote sera relâché à Gonesse, dans le Val-d'Oise, ou un quatrième complice attend l'évadé à bord d'une voiture. Rondement menée, l'opération aura duré dix minutes en tout, sans faire aucun blessé : c'est vingt de moins qu'en 2013, lorsque Redoine Faïd avait lui-même fait exploser cinq portes au plastic. Sa cavale avait à l'époque duré quatre jours. Lundi midi, les 2.900 policiers à sa recherche n'étaient pas encore parvenus à le localiser.