Tarnac : pourquoi la qualification de "terrorisme" a été abandonnée

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© THIERRY ZOCCOLAN / AFP
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Jean-Sébastien Soldaïni et , modifié à
Vendredi dernier, après sept années d’instruction dans cette affaire très politisée, la qualification "terroriste" a été abandonnée. Europe 1 a pu consulter les arguments de la juge, qui prend le contre-pied du réquisitoire du parquet. 

Les membres du groupe de Tarnac, soupçonnés d'être à l'origine de sabotages de lignes SNCF sur des caténaires, sont-ils des terroristes ? La question est de nouveau au cœur des débats, malgré la réponse négative apportée vendredi par Jeanne Duyé, la juge en charge de l'instruction dans cette affaire dite de "Tarnac". Car si la magistrate a choisi l’abandon de la qualification "terroriste" à l'encontre des trois principaux suspects, le procureur de Paris - qui disposait de cinq jours pour faire appel - a contesté cet abandon devant la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris.

Bras de fer procédural. Dans son ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, rendue vendredi dernier, la juge n'a pas suivi le réquisitoire définitif du ministère public, rendu en mai dernier. Le parquet demandait en effet que la circonstance aggravante d'"entreprise terroriste" soit retenue à l'encontre de trois militants : Julien Coupat, présenté comme le leader et théoricien du groupe, sa épouse Yildune Lévy et son ex-compagne Gabrielle Hallez.

Quels sont les arguments avancés la juge d’instruction ? Europe 1 a pu avoir accès aux motivations de la magistrate. Pour elle, les faits reprochés au groupe de Tarnac, petit village de Corrèze, relèvent plus d’actes de sabotages que d’actes visant absolument à faire des victimes. D’après Jeanne Duyé, le but de ce groupe "d’anarchistes", qui percevaient la SNCF comme un organe étatique, était plutôt désorganisé. 

Une "rhétorique guerrière", mais pas de terrorisme. Certes, la pose des fers à béton sur les lignes électriques de TGV, dont ils sont suspectés, a bien entraîné "un préjudice évident" pour l’entreprise ferroviaire, "un trouble manifeste à l’ordre public" et "un désagrément causé aux usagers". Mais, ces actions ne sauraient être considérées comme ayant intimidé ou terrorisé tout ou partie de la population, au sens même du code pénal

Et ce, "malgré la rhétorique guerrière employée", note la juge d'instruction. Pas de qualification de "terrorisme" donc, puisque - rapports d’experts à l’appui - il n’a jamais été établi que le dispositif, présumément mis au point par Julien Coupat et ses complices, pouvait faire dérailler des trains et mettre en danger les passagers.

Anti-système. L’idée du groupe de Tarnac consistait à "faire naître l’insurrection", comme l’ont révélé des notes de Julien Coupat retrouvées par les enquêteurs. La juge d’instruction retient une manière de s’en prendre à la société en général, au "système économique", à ses "modes de consommation", afin de rallier la population à l’idéologie du groupe de Tarnac.

Jugés pour "dégradations" et "association de malfaiteurs". Toutefois, tout ceci ne disculpe pas Julien Coupat ni sa compagne Yildune Levy. En effet, la magistrate Jeanne Duyé a la conviction que le couple était bien présent à Dhuisy, en Seine-et-Marne, le soir des dégradations dans la nuit du 7 au 8 novembre 2008, près des lignes de chemin de fer où passe le TGV Est. Un élément suffisant pour requalifier les faits en "dégradation commises en réunion" et "association de malfaiteurs".