Angélique 5:15
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Lionel Gougelot et Manon Fossat
Le procès devant les assises du Nord de David Ramault, soupçonné d'avoir violé et étranglé la petite Angélique, 13 ans, en 2018 à Wambrechies près de Lille, s'est ouvert ce mardi à Douai. L'affaire avait suscité une vive émotion et ravivé le débat sur la castration chimique des délinquants sexuels, en raison du statut de récidiviste du père de famille.
INTERVIEW

Le procès de la récidive s'est ouvert ce mardi devant la Cour d’Assises du Nord, à Douai. Un père de famille au-dessus de tout soupçon, David Ramault, y comparait pour l’enlèvement, le viol et le meurtre en avril 2018 à Wambrechies de la petite Angélique, sa voisine âgée de 13 ans. L'affaire avait suscité une vive émotion, plus de 3.000 personnes avaient participé à une marche blanche en hommage à Angélique qui souffrait d'un léger handicap mental, et avait ravivé le débat sur la castration chimique des délinquants sexuels, en raison du statut de récidiviste de David Ramault.

"Prendre le temps de savoir qui il est"

Pendant les 20 ans de vie commune avec son épouse, rencontrée en permission lors de sa première détention, l'homme aujourd'hui âgé de 48 ans a donné l'image d'un père de famille modèle, un chauffeur de bus apprécié de ses collègues et un voisin sans histoire. Père de deux enfants, son entourage ne pouvait imaginer qu'il était en réalité une bombe à retardement lâchée dans la société. Condamné en 1996 pour le viol d'une adolescente sous la menace d'une arme, David Ramault a été remis en liberté en 2000, sans obligation de soins. En effet, la loi instaurant le suivi socio-judiciaire n'était pas encore en vigueur à l'époque.

Pendant toutes ces années, David Ramault a donc dissimulé sa vraie nature. Jusqu'à ce qu'il a décrit ce mardi matin. Une "excitation soudaine" pour la petite Angélique, le besoin de satisfaire un plaisir égoïste et finalement, le moment de panique qui l'a poussé à étouffer la petite fille avec son pantalon. Désormais, au premier rang de la salle, la famille d'Angélique et leur avocate, Audrey Jankielewicz, veulent comprendre pourquoi la dangerosité de cet homme n'a pas été repérée plus tôt.

"Ils avaient émis le souhait à l'époque qu'il n'y ait plus d'autres Angélique, qu'on ne puisse pas vivre dans un monde où quelqu'un reconnaît des faits de cette nature et va encore plus loin dans l'atrocité", explique l'avocate. "C'est un enjeu essentiel du procès, ou en tout cas des questionnements, de pouvoir creuser et prendre le temps de savoir qui est David Ramault". Ce mardi après-midi, le quadragénaire sera confronté au témoignage de son ex-épouse qui avait souhaité se constituer partie civile au moment du drame, s'estimant elle aussi victime de cette affaire. Une demande que la justice avait finalement rejetée. 

Mener un travail de fond

Invitée sur Europe Midi mardi, Marjorie Sueur, experte en criminologie et psychologue clinicienne, a estimé que cette affaire est l'occasion pour la justice de se poser la question de la gestion des délinquants sexuels et de comment éviter qu'il n'y ait de nouvelles victimes. "Aujourd'hui, effectivement, un fichier existe. Les délinquants sexuels ont pour obligation de pointer régulièrement à leur adresse", a-t-elle rappelé. "Il y a également la solution de l'injonction de soins mais c'est très limité parce que travailler avec une personne qui n'a pas le désir d'arranger ce qui est dysfonctionnel chez elle, ça interroge."

D'autant que pour elle, imposer une injonction de soins nécessite que les thérapeutes aient accès à la procédure. "Il faut aller au cœur du sujet avec l'auteur de façon à ce qu'il ne nous balade pas et ne fuit pas", a-t-elle encore estimé. Dans le cas de David Ramault, la psychologue clinicienne s'est également interrogée sur comment le père de famille a réussi à gérer ses pulsions pendant 20 ans. "Il faudrait travailler sur l'orientation de sa pulsion. On ne va pas pouvoir l'enlever mais il faut arriver à faire que le but sur lequel elles vont s'exprimer soit adapté à la situation."

Quid du recours à la castration chimique ?

Alors que cette affaire a relancé le débat sur la castration chimique, Marjorie Sueur a affirmé que sur le plan mécanique, la solution pouvait être envisagée, mais qu'elle ne pouvait tout résoudre. "Psychologiquement, ça n'enlèvera jamais la pulsion que l'individu peut ressentir. Donc il y a tout un travail au niveau de la sexualité à reprendre pour savoir où est né le plaisir sexuel chez l'auteur, est-ce que lui-même a déjà vécu cela et l'a enregistré comme quelque chose de normal ou pas ? Qu'est-ce qui fait que pendant vingt ans, il a pu avoir une sexualité normale avec une femme et qu'avec Angélique la pulsion a été plus forte que tout ?", a-t-elle posé. 

L'experte en criminologie a enfin jugé "nécessaire" un suivi à vie des délinquants sexuels. "Le problème est que si la personne n'entend pas que sa sexualité est une sexualité déviante, on n'aboutira malheureusement à rien". L'avocat de David Ramault, Eric Demey, a de son côté souligné la "conscience particulièrement aiguë" de la culpabilité de son client et a expliqué que ce dernier ne cherche pas à se faire passer pour une victime.