Procès des émeutes de Moirans : les parties civiles dénoncent un procès "libre-service"

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Seuls sept des douze suspects se sont présentés à l'audience mercredi © JEAN PIERRE CLATOT / AFP
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avec AFP , modifié à
Tous les suspects ne se sont pas présentés à l'audience et certains continuent de nier les faits.

Les avocats des parties civiles ont dénoncé mercredi une "audience libre-service", au troisième jour du procès des émeutes de Moirans, dans l'Isère, à Grenoble, qui se tient depuis son ouverture en l'absence de plusieurs prévenus. "Cette audience a été considérée comme une espèce de libre-service", a critiqué Me Denis Dreyfus, avocat de la commune de Moirans en évoquant les "certificats médicaux et les malaises parfois opportuns".

Des absences dès le premier jour d'audience. Mercredi matin, seuls sept des douze suspects, âgés de 18 à 58 ans (neuf hommes et trois femmes), avaient pris place sur le banc des prévenus, certains manquant depuis lundi. Ils encourent dix ans de prison pour leur participation supposée à ces émeutes qui avaient suscité une vive polémique politique en octobre 2015. La présidente du tribunal, Joëlle Beylard-Ozeroff, a elle aussi jugé "inadmissible" que la moitié des prévenus soient absents, d'autant que certains, censés être malades, n'ont toujours pas produit de certificat médical. Elle a menacé de recourir à la force publique si tous n'étaient pas présents à la reprise de l'audience, jeudi, pour les réquisitions du parquet.

Une route et une ligne SNCF coupée par les émeutiers. Ce jour-là, plusieurs dizaines d'émeutiers, issus notamment d'un camp de gens du voyage sédentarisés, avaient incendié des pneus, palettes et voitures sur une route départementale et bloqué la ligne SNCF Lyon-Grenoble en y jetant des voitures brûlées. Ils protestaient contre le refus d'un juge d'autoriser la sortie de prison de Mike Vinterstein, 24 ans, pour assister aux obsèques de son frère de 17 ans. "On a envie de leur dire qu'une émeute, c'est toujours jouer contre son camp" car "c'est le support idéal de la stigmatisation", a pointé Me Dreyfus.

Une mairie amère. Il a souligné "l'amertume particulièrement aigre" de la mairie qui accueille ce camp de gens du voyage "depuis 30 ans" et embauche des jeunes de la communauté. Le maire "les connaît bien, il est médecin, il est souvent au chevet de ceux qui ont besoin de soins et d'écoute", a-t-il pointé. Et ce alors que "beaucoup voudraient qu'on les écarte, qu'on les éloigne, qu'on les remette sur la route", a-t-il ajouté, évoquant une "lutte permanente pour faire en sorte que cette différence soit perçue comme une richesse".

202.000 euros de préjudices pour la SNCF. Me François-Xavier Fayol, avocat de la SNCF, a vilipendé l'"absence totale de remords" des prévenus, dont la plupart contestent les faits, et s'est dit "abasourdi" par leur système de défense. L'entreprise ferroviaire a évalué son préjudice à quelque 202.000 euros pour les frais de réparation de ses infrastructures et les 257 trains retardés ou annulés pendant la douzaine d'heures de fermeture des voies.

Me Jean-Yves Balestas a lui décrit "la peur" de ses clients, propriétaires de la casse voisine du camp des gens du voyage, quand les émeutiers sont venus y voler des voitures pour former une barricade. Son client "a vu la mort, des gens transformés en bêtes sauvages", a-t-il dit.

Des nuits sans sommeil et des cauchemars. Enfin, une victime a décrit comment elle s'était "effondrée" à l'annonce que sa voiture, une 307 break vieille de huit ans, était incendiée. "Ma voiture, elle rendait service. Je voulais vous le dire droit dans les yeux", a-t-elle ajouté en réclamant notamment 2.000 euros de préjudice moral pour ses nuits sans sommeil et les "cauchemars" de son fils. Mercredi, les victimes des émeutes ont réclamé plus de 400.000 euros de dommages et intérêts pour les dégradations commises le 20 octobre 2015.