Procès de la mère de Méline : "Parfois, elle geignait toute la journée"

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Noémie Schulz et
Lundi, s'est ouvert aux assises de Rennes, le procès d'une mère de famille accusée d'avoir tué sa fille de huit ans, lourdement handicapée. Devant la cour, la mère a raconté son quotidien épuisant avec Méline.

Une plongée dans le quotidien d'une mère célibataire et de son enfant gravement handicapée. Devant la cour d'assises de Rennes, pour ce premier jour de procès, Laurence, a témoigné des huit ans partagés avec sa fille, Méline, entre difficultés et petits bonheurs. Cette mère de famille est accusée d'avoir tué sa petite fille de huit ans avant de tenter de mettre fin à ses jours, en août 2010.

C'est avec beaucoup d'émotion et de dignité que Laurence a raconté ce jour où elle a compris que quelque chose n'allait pas. La petite était alors âgée de tout juste 15 jours. "Elle ne me suivait pas du regard, elle ne bougeait pas", se souvient-elle, devant la cour.  Méline a un problème au cerveau : elle ne marchera et ne parlera jamais.

Le handicap, une vie sans répit. Laurence décide alors d'arrêter de travailler pour se consacrer à sa fille : "Je voulais lui apporter le meilleur, qu'elle soit heureuse comme toutes les petites filles", déclare cette mère, qui indique "avoir eu une enfance heureuse, choyée par [ses] parents". Vont suivre huit années de dévouement total à Méline. "Elle avait besoin de moi de manière constante. Le handicap, c'est 7 jours sur 7 et 24 sur 24", insiste-t-elle.

Alors chaque jour, Laurence s'est occupée avec amour de son enfant handicapée motrice et cérébrale. Avec parfois, de grands et furtifs moments de joie : "Un jour, en vacances à Saint-Malo, Méline se met à marcher seule sur la plage. J'ai cru que j'allais m'évanouir", rapporte la mère.

Le père de Méline, absent. Mais d'autres fois, "elle geignait toute la journée. C'était un épuisement moral et physique de chaque jour", poursuit celle qui ne pouvait pas compter sur le père de Méline, cet homme avait qui elle n'a jamais vécu et dont elle dit : "ce n'était pas une bonne personne". Et Laurence de raconter, depuis le box des accusés, que cet homme, aujourd'hui décédé, la battait, lui soutirait de l'argent.

"Un drame de la solitude". Laurence était très seule, rappelle au micro d'Europe 1 son avocat Eric Dupond-Moretti qui dénonce un "drame de la solitude".  "La solitude de la possibilité pour un être humain d'aller au-delà de certaines limites. La mort de cet enfant est devenue, à un moment, une terrifiante évidence. Puis l'envie, aussi, d'en finir avec sa propre vie."

Après le drame, cette femme avait en effet tenté de mettre fin à ses jours. Et le ténor du barreau d'estimer, lorsqu'on l'interroge pour savoir si Laurence elle-même peut être qualifiée de victime : "Ce n'est en tout cas pas une coupable".

Un lourd fardeau. Coupable ou non, ce sont les jurés, quatre femmes et deux hommes, qui décideront mardi. Laurence, quoiqu'il en soit, vit déjà avec le poids écrasant de son geste. Très éprouvée, elle est secouée de sanglots lorsque le président de la cour, Philippe Dary, évoque ce matin d'août 2010 où elle a tué son enfant. Cette enfant qu'elle dit avoir regardé avec "les yeux de l'amour du premier au dernier jour de sa vie".
>> Pour suivre le procès en direct, retrouvez notre journaliste Noémie Schulz, à Rennes, sur son compte Twitter