Marc Trévidic, juge antiterroriste incontournable ?

Marc Trévidic
Marc Trévidic © MARTIN BUREAU / AFP
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L’ancien juge antiterroriste, devenu vice-président au tribunal de grande instance de Lille est présenté comme l’homme providentiel pour répondre à la menace terroriste.

Il traîne son regard sévère et son allure frêle sur tous les plateaux télés. Depuis les attentats du 13 novembre, Marc Trévidic est présenté comme l’homme providentiel pour lutter contre la menace terroriste en France. Les prises de parole de l’ancien juge antiterroriste, toujours claires et rigoureuses, ont séduit le public et les médias. Mais depuis avril, Marc Trévidic n’a plus les prérequis pour agir. La faute à une loi qui interdit aux juges spécialisés d'occuper les mêmes fonctions plus de dix ans. Après des années à officier dans l’antiterrorisme, Marc Trévidic est retourné à la "justice du quotidien". Il occupe aujourd’hui le poste de vice-président du tribunal de grande instance de Lille. Mais ne cache pas son envie de renouer avec sa passion.

Bretagne et Bob Dylan. Celui qui "pense terrorisme, mange terrorisme et dors terrorisme", reconnaît qu’il y a peu de distractions pour l’extraire de sa passion. La première est liée à l’enfance. Né à Bordeaux d’un père breton et d’une mère basque cadres chez Renault, Marc Trévidic a passé les premières années de sa vie en Bretagne. "Le charme iodé de ses petits ports de pêche, c’est irremplaçable. La Bretagne, c’est simple, c’est le seul endroit où je me fiche complètement qu’il pleuve !", résume-t-il dans une interview à La Croix.

La suite de sa jeunesse, Marc Trévidic la passe en région parisienne. Des années marquées par une "sévère crise d’adolescence" et une vive admiration pour Bob Dylan. Son parcours scolaire se déroule sans encombre. Diplômé de l’Ecole nationale de la magistrature à Bordeaux en 1989, il commence à 25 ans sa carrière de juge d’instruction, au tribunal de Péronne, dans la Somme.

Au chevet de ses parents malades. Durant sa carrière, les choix professionnels de Marc Trévidic sont intimement liés à sa vie personnelle. Après quelques années dans la Somme, il quitte les "champs de betteraves", direction Nantes, "pour se rapprocher d’un fils d’une première union". Son poste de substitut du procureur lui permettra de dépasser sa "peur de s’exprimer en public", confie-t-il à Libération.

Un spécialiste des réseaux islamistes. Pour être aux côtés de ses parents malades, il regagne l’Ile-de-France, où il intègre rapidement la section antiterroriste. Bien avant les attaques du 11-Septembre 2001, Marc Trévidic connaît tout d’Al-Qaïda et appréhende déjà la menace terroriste. A son départ au poste de juge antiterroriste, Jean-Louis Bruguière décide logiquement de lui confier ses dossiers.

Signe de son indépendance et de son autonomie, Marc Trévidic va reprendre un à un les dossiers laissés par son prédécesseur pour explorer les pistes écartées trop rapidement, rapporte encore La Croix. En une décennie - de mai 2006 à septembre 2015 - le juge antiterroriste au tribunal de grande instance de Paris planche sur des dossiers extrêmement sensibles qui dérangent jusqu’au sommet de l’Etat.

Une indépendance qui dérange. Il est notamment chargé d'instruire des affaires comme celle des moines de Tibéhirine tués en 1996 en Algérie, l'attentat de Karachi en 2002 ou celui de la rue des Rosiers en 1982, pour lequel il a lancé début mars des mandats d'arrêt internationaux contre trois suspects. Il était également chargé de l'enquête sur l'attentat contre l'avion du président rwandais Juvénal Habyarimana, dont les pilotes étaient français, considéré comme le signal déclencheur du génocide de 1994.

Sa liberté de ton ne se manifeste pas seulement dans les choix de ses affaires. Nommé président de l’Association française des magistrats instructeurs en 2009, il s’était opposé à la suppression du juge d’instruction, réclamée par Nicolas Sarkozy.

Un retour possible ? Jusqu’au jour où tout doit s’arrêter. Marc Trévidic atteint la limite de durée pour un même poste spécialisé. Le magistrat, père de trois enfants, demande sa mutation à Lille comme premier vice-président du tribunal de grande instance, en charge de la coordination du pôle pénal. Là-bas, il effectue un "stage de juge aux affaires familiales à Dunkerque", et redécouvre les "audiences de comparution immédiate" et les "permanences de juge des libertés", indique La Voix du Nord. A ce même journal, le juge indique être "ravi d'arriver dans un ressort important et de replonger dans le quotidien de la justice".

Vraiment ? Ce n’est en tout cas pas ce que laisse supposer ses nombreuses interventions dans la presse sur la menace terroriste. Et ce, même avant les attentats. A chaque fois, ses interventions sont remarquées, saluées, et partagées sur les réseaux sociaux. Au point de rappeler, un peu plus vite que prévu, l’ancien juge antiterroriste aux grandes heures de sa carrière. Il a d’ailleurs reconnu dimanche sur BFM : "dans cette situation exceptionnelle, si on veut que je revienne faire de l'antiterrorisme, je reviendrai faire de l'antiterrorisme". Selon nos informations, Marc Trévidic n'a adressé aucune candidature pour un poste de juge antiterroriste. Son successeur, lui, a pris ses fonctions en septembre.