Collégiens dans un clip de rap violent : une enquête ouverte

Les deux chanteurs du clip âgés de 14 ans.
Les deux chanteurs du clip âgés de 14 ans.
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Virginie Salmen avec CB , modifié à
Une enquête a été ouverte après la diffusion d'un clip de rap violent mettant en scène des élèves d'un collège du 18e arrondissement de Paris.

Feuille de boucher et Opinel à la main, ils scandent des paroles violentes et bourrées de clichés, comme c'est souvent le cas des clips de rap "fait-maison", tournés dans les huis clos des cités. A la différence près que celui dont il est question ici met en scène des élèves de collège, âgés d'une douzaine d'années, rapporte Le Parisien. Le parquet de Paris a ouvert une enquête sur ce clip de rap, tourné à Paris et visionné plus de 12.000 fois, depuis sa mise en ligne le 2 janvier.

"Faut les baiser ces p’tites pétasses". Sur les images, on retrouve la scénographie typique des clips de rap, les enfants jouent aux rappeurs aux gros bras, chantent en bombant le torse et brandissent des armes blanches. Ils les agitent devant la caméra, en déversant des paroles très violentes pour leur âge, parlant de pistolet 9 MM. "Nous tout ce qu'on veut c'est des billets violets (des billets de 500 euros, ndlr)", chantent les deux protagonistes de 14 ans, regard assassin rivé sur la caméra.

"Mes gars sont sur le terrain et crois-moi c’est pas le terrain de foot", peut-on entendre plus loin. "La balle finit dans tes reins, ça t’apprendra à faire le fou", chante un autre. Des propos misogynes sont proclamés avec assurance par les élèves : "toute la journée, ça fait des liasses, faut les baiser ces p’tites pétasses". L'image de fin finit de déconcerter l'audience, les jeunes chanteurs sont entourés d'enfants, cette fois âgés d'environ 5 ans, avec les immeubles du quartier en toile de fond.
 
Une société de production tourne le clip. Sur ce clip figurent des élèves du collège Daniel-Mayer, un établissement classé en zone d'éducation prioritaire, confronté régulièrement à des problèmes de violence entre les jeunes du quartier et leurs rivaux désignés du XIXe arrondissement tout proche. Le titre, qui fait l'apologie de la violence et de l'argent facile a été tourné pendant les dernières vacances scolaires, avec l'aide d'une société Vision Industry, qui appose son logo sur YouTube. Cette société de production a réalisé de nombreux clips du même acabit, mais mettant en scène des majeurs.

Les enfants identifiés et bientôt entendus. Les figurants et les chanteurs étant mineurs, le parquet de Paris a ouvert une enquête pour diffusion de messages à caractère violent accessible à un mineur et port d'arme prohibée. Les enquêteurs ont identifié les enfants, ils devraient être entendus dans les jours qui viennent, mais n'ont pas conscience de l'aspect répréhensible de leur démarche. Les enfants assurent que ce clip était seulement "un délire", rapporte Le Parisien. Certains envisagent d'ailleurs d'en tourner un nouveau. Celui-ci leur a coûté entre 100 et 200 euros, un "prix" fait par la boîte de production, informe l'un d'eux.

"Une mise en scène choquante". Pour Justine Atlan, directrice de l'association de prévention E-enfance, cette culture de la rébellion n'a rien de si alarmant chez de jeunes adolescents. Ce qui l'est davantage, c'est qu'elle soit mise en scène par des adultes, en l’occurrence une société de production, qui n'a pas répondu à nos sollicitations. "On sait que les ados adorent les rappeurs et la culture de rue, même pour ceux qui ne sont pas issus de ce milieu. Ils jouent avec ces codes. Ce qui est gênant, c'est qu'une société de production a mis en scène cette violence, qu'elle instrumentalise ce qu'est l'adolescence, c'est-à-dire une rébellion par rapport à des codes d’adultes", souligne la spécialiste.

Entendu sur europe1 :
Ce qui est gênant, c'est qu'une société de production a mis en scène cette violence, qu'elle instrumentalise ce qu'est l'adolescence

Ce n'est pas la première fois que des collégiens soient les héros armés d'un clip de rap. En mars 2015, des jeunes d'un quartier sensible de Sarcelles avaient réalisé un clip de rap dans lequel ils faisaient l'apologie du trafic de drogue, de la violence, de l'argent et du sexe en exhibant armes et liasses de billets. Une enquête avait aussi été ouverte.