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Guillaume Dominguez avec AFP / Crédit photo : FRANÇOIS NASCIMBENI / AFP
La violence du meurtre de Shaïna, 15 ans, poignardée et brûlée vive à Creil en 2019, a fait monter la tension lundi devant la cour d'Assises des mineurs de l'Oise, où son ex-petit ami, jugé à huis clos pour assassinat, continue de clamer son innocence.

"Quatorze coups de couteaux ! Il verse un bidon d'essence et met le feu ! Et ce criminel garde la tête baissée ! Il n'arrive même pas à regarder !", s'est emporté, tremblant de colère, le père de Shaïna, lors d'une pause de l'audience, après avoir entendu des expertises médicales au premier jour du procès.

"Une absence totale d'émotion"

Le ton monte entre les deux parties face à l'absence de réaction de l'ancien petit copain de Shaïna. Un détachement du principal suspect caractéristique de sa personnalité, selon Me Negar Haeri, avocate de la famille de Shaïna. "Un état de neutralité et d'inexpressivité qui a été visiblement constant tout au long des premiers mois passés dans la première prison pour mineurs. C'est quelque chose qui a toujours beaucoup étonné le personnel pénitentiaire, c'est-à-dire une absence totale d'émotion", indique-t-elle au micro d'Europe 1.

L'accusé encourt la perpétuité si l'excuse de minorité est levée

Mince, visage juvénile et cheveux noués en chignon, l'accusé encourt la perpétuité si l'excuse de minorité est levée. Âgé de 17 ans à l'époque, le jeune homme, accusé d'avoir attiré Shaïna, probablement enceinte de lui, dans un cabanon pour la tuer puis brûler son corps, est jugé jusqu'à vendredi. Il s'est très peu exprimé à l'audience. "Chaque fois qu'on l'accable, il baisse la tête. Quand on lui donne la parole, il dit : 'ce n'est pas mon opinion, ce n'est pas mon avis, ce n'est pas ce que j'ai dit'. Mais il ne donne pas d'explications," déplore l'avocat des parties civiles, Me Negar Haeri.

"Il clame son innocence mais il est mal à l'aise de le faire, car il comprend parfaitement la souffrance de ces gens-là", indique son avocat, Me Adel Fares. 

Des brûlures constatées sur les jambes de l'accusé après les faits

Le tribunal a notamment entendu un ami à qui il aurait avoué le crime, "principal témoin à charge" selon Me Haeri. Pour Me Farès "son témoignage ne tient pas, il est fluctuant. Cela interroge sur ses véritables intentions."

La cour s'est également penchée sur les blessures constatées sur les jambes de l'accusé après les faits, de l'eczéma selon lui, alors que pour le médecin légiste, il s'agit de brûlures, ont rapporté les conseils de la défense et des parties civiles.

Des éléments de téléphonie incriminent l'accusé

Le 27 octobre 2019, le corps de l'adolescente est découvert presque entièrement calciné par les policiers, guidés par une rumeur. Les expertises médico-légales révèleront de "multiples plaies" à l'arme blanche mais aussi qu'elle respirait encore au début du feu.

L'avant-veille, elle était sortie après un dîner familial. Dans son sac à main, ses proches retrouvent un test de grossesse positif. Selon l'enquête, l'adolescente entamait très probablement une grossesse, qu'elle attribuait à l'accusé, avec qui elle entretenait une liaison. Deux appels anonymes, puis le témoignage de l'ami de l'accusé orientent rapidement l'enquête. Le jeune homme raconte que le mis en cause lui a confié la nuit des faits avoir donné rendez-vous à Shaïna pour la tuer. Ce témoin livre des détails connus des seuls enquêteurs. Shaïna refusait d'avorter, révèle-t-il encore. Des éléments de téléphonie incriminent aussi l'accusé, dont le portable, comme celui de Shaïna, a borné près du cabanon peu avant les faits.

Il disait "préférer prendre 30 ans qu'être le père d'un bâtard"

Un codétenu l'aurait entendu "dire fièrement" qu'il avait "tué sa copine, qui était 'une pute', qu'il avait 'mise enceinte'", voulant éviter que sa famille l'apprenne. En prison, il disait "préférer prendre 30 ans qu'être le père d'un bâtard", selon un autre détenu.

Ce terme a été répété à la barre par le témoin à charge lundi. "Ça été un moment dur pour les parties civiles, d'entendre dire que leur fille 'n'était qu'une pute' et que c'est ce qui a motivé le crime. C'est terrible," a souligné Me Haeri. Pour Me Haeri, la mort de Shaïna "est le point culminant d'un long calvaire", enclenché par des agressions sexuelles subies deux ans plus tôt, et dont les images avaient été diffusées sur les réseaux sociaux. Quatre autres jeunes de sa cité ont été condamnés jeudi en appel pour ces faits, à des peines allant de six mois à deux ans de prison avec sursis.

Shaïna a été traitée "comme une chose, avec qui on couche, mais qu'on peut supprimer", déplore l'avocate. Le nombre de féminicides a augmenté de 20% en France en 2021 par rapport à l'année précédente, avec 122 femmes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint, selon le ministère de l'Intérieur.