Philippe Monguillot, conducteur de chauffer de bus, avait battu à mort après avoir demandé le respect du port du masque dans son bus. 1:31
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Nina Droff avec AFP , modifié à
Les deux hommes accusés d'avoir battu à mort un chauffeur de bus à Bayonne en juillet 2020, ne doivent pas comparaître devant la cour d'assises mais devant une "cour criminelle", a estimé le juge d'instruction. Une décision qui n'a pas plu au parquet de Bayonne qui a immédiatement fait appel. "C'est une gifle considérable pour les victimes", s'est indigner l'avocat de la famille de la victime. 

Les deux hommes accusés d'avoir agressé et tué un chauffeur de bus à Bayonne en juillet 2020 ne doivent pas comparaître devant un jury d'assises mais une "cour criminelle" composée de magistrats, a estimé le juge d'instruction, une décision contre laquelle le parquet a immédiatement fait appel mercredi. Fin avril, le parquet de Bayonne avait demandé le renvoi aux assises pour homicide volontaire aggravé des deux hommes de 24 ans, soupçonnés d'avoir agressé mortellement le conducteur Philippe Monguillot à un arrêt de bus, une affaire qui avait résonné dans la France entière.

Mais dans son ordonnance du 16 mai, le juge d'instruction a requalifié les faits en "violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner", examinées par des juges à Bayonne. Les Pyrénées-Atlantiques font en effet partie de 15 départements qui expérimentent la "cour criminelle". Celle-ci juge sans jury populaire les crimes punis entre 15 et 20 ans de prison, et laisse aux assises ceux impliquant une peine plus lourde. En l'occurrence, les deux hommes risqueront jusqu'à 20 ans de prison, la peine de 15 ans étant alourdie parce qu'ils sont accusés de s'être attaqués à une personne chargée d'une mission de service public.

L'avocat de la famille envisage de faire appel

"C'est une gifle considérable pour les victimes", a réagi Me Alexandre Novion, avocat de la veuve Véronique Monguillot et de ses trois filles. Pour lui, ce choix est un "bénéfice acquis" pour les accusés, comme si Philippe Monguillot "était mort pour des raisons indépendantes de leur volonté".

"L'intention criminelle, ça peut être aussi la conscience qu'en frappant quelqu'un, en lui donnant des coups pieds comme des penalties au niveau de la tête, on puisse faire éclater sa boîte crânienne ou participer à un processus de venue de la mort. Comment l'avocat que je suis peut admettre que des gens qui ont fait preuve d'une si grande violence disposent d'un refuge et d'une possibilité de parler d'une violence sans but. C'est à se demander d'ailleurs s'ils vont accepter l'idée qu'ils aient pu vouloir faire du mal", s'insurge l'avocat, au micro d'Europe 1.

L'avocat envisage de faire appel de cette requalification mais le parquet l'a devancé mercredi, soulignant dans un communiqué que la chambre de l'instruction avait maintenant quatre mois pour statuer.

Un examen "loin de l'émotion populaire"

Le 5 juillet 2020, Philippe Monguillot, 59 ans, marié et père de trois filles majeures, avait été frappé par deux passagers après un contrôle de titre de transport ayant mal tourné, une agression "d'une extrême violence" selon le parquet de Bayonne. Laissé en état de mort cérébrale, il était décédé après cinq jours de coma. Les circonstances de sa mort avait entraîné une vague d'émotion à Bayonne, où une marche blanche avait réuni quelque 6.000 personnes, et causé l'indignation du monde politique, avec la visite sur place des ministres des Transports et de l'Intérieur.

Pour Me Thierry Sagardoytho, avocat de l'un des deux accusés, le juge d'instruction, en écartant les assises, a "remis à l'endroit" le dossier, et permis son examen "loin de l'émotion populaire et de la déraison qui a enflammé discussions en ville et réseaux sociaux". Un troisième homme, âgé de 42 ans, qui avait logé les deux agresseurs présumés après les faits, est aussi renvoyé devant cette cour criminelle pour avoir aidé les deux accusés à tenter d'échapper à l'arrestation. Un quatrième protagoniste, mis en examen pour non-assistance à personne en danger, a bénéficié d'un non-lieu.

Les deux accusés principaux sont en détention provisoire depuis juillet 2020. Le troisième a été remis en liberté sous contrôle judiciaire, en octobre 2020. "Cette décision choque parce qu'elle est une décision qui va immuniser quelque part les auteurs de l'obligation de se justifier de leurs intentions", s'indigne l'avocat de la famille, Maître Alexandre Novion. "Il est question dans ce dossier