27 octobre 2005 : Zyed et Bouna meurent dans un transformateur

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Chloé Pilorget-Rezzouk avec AFP , modifié à
DIX ANS APRES - Deux policiers sont jugés à partir de lundi pour "non-assistance à personne en danger", dix ans après la mort de Zyed et Bouna à Clichy-sous-Bois. Retour sur les faits.

"C’était des gamins bien, pas des voyous", soupire une riveraine de la cité du Chêne-Pointu, à Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis. Le drame qui s’est déroulé là il y a dix ans, et avait mis le feu aux banlieues françaises pendant trois semaines, est encore dans tous les esprits. Le 27 octobre 2005, deux adolescents, Zyed Benna, 17 ans, et Bouna Traoré, 15 ans, sont morts électrocutés dans un transformateur EDF où ils s’étaient abrités alors qu’ils étaient poursuivis par la police, soupçonnés d’un vol - non confirmé par la suite. Un de leur camarade, Muhittin Altun, âgé de 17 ans, avait lui été grièvement blessé.

"Ils avaient un ballon de foot dans la main". Ce jeudi-là, pendant les vacances de la Toussaint, des gamins jouent au foot sur un terrain de sport de Livry-Gargan, une commune limitrophe de Clichy-sous-Bois, dans le "9-3". Bouna vit à la Pama, un quartier voisin de la cité du Chêne-Pointu, où habite Zyed avec sa famille, dans la tour Rabelais. C’est la fin de l’après-midi et en pleine période du Ramadan, l’heure de l’iftar - la rupture du jeûne -, doit bientôt sonner. "Ils rentraient d’un match de foot, ils avaient un ballon dans la main, pas des explosifs", rappelle Adel, grand frère de Zyed. Ses parents sont retournés en Tunisie, leur pays d’origine, un an après l’accident.

Course-poursuite. Peu après 17 heures, une tentative de vol sur un chantier privé est signalée au commissariat de Livry-Gargan, Clichy ne possédant pas encore son propre poste de police, ouvert en 2010. Un véhicule de la brigade anti-criminalité (BAC) est envoyé sur les lieux. Une course-poursuite s’engage alors entre les policiers de la BAC et une dizaine de jeunes. Six sont stoppés net par les policiers et interpellés. D’autres parviennent à prendre la fuite en direction d’un petit bois. Parmi eux, Zyed, Bouna et Muhittin. "Par peur des policiers, parce que ça se passait souvent mal lors des contrôles", raconte l’un de leurs copains d’enfance, Fariz Allili, aujourd’hui âgé de 25 ans.

Pas eu l’idée de "porter secours à des jeunes des cités". Le trio d’amis trouve refuge dans un transformateur électrique, protégé par un mur en parpaings d’environ quatre mètres de haut. Les gamins restent cachés quelques dizaines de minutes dans l’enceinte du site EDF. Mais à l’intérieur, Bouna et Zyed sont mortellement touchés par un arc électrique. Seul Muhittin s’en sort, grièvement brûlé. Leur électrocution entraîne une coupure de courant et plonge la ville de Clichy dans le noir. Il est alors un peu plus de 18 heures.

Pour Me Jean-Pierre Mignard, avocat des familles de Zyed et Bouna, "les trois gosses sont des victimes, deux d'entre eux sont morts dans des conditions atroces. Et cela aurait pu être évité". "L'idée qu'il fallait porter secours à des jeunes des cités qui étaient en danger de mort n’a pas traversé l'esprit des policiers", dénonce-t-il. La nuit même, des violences urbaines éclatent à Clichy. Les jeunes du quartier s’en prennent aux policiers et aux pompiers. Des voitures sont incendiées, des vitrines brisées. C’est le point de départ de trois semaines d’émeutes dans les banlieues françaises.

Jugés pour "non-assistance à personne en danger". Dès lundi, et pour cinq jours, deux policiers comparaissent devant le tribunal correctionnel de Rennes pour "non-assistance à personne en danger". Une policière, Stéphanie Klein âgée de 38 ans, alors stagiaire affectée au standard du commissariat de Livry-Gargan. Elle communiquait par radio avec l’autre agent jugé, Sébastien Gaillemin, 41 ans, présent, lui, sur le terrain.

Lors des conversations radio écoutées dans le cadre de l’enquête de l’Inspection générale des services, une phrase, prononcée par l’un des policiers, avait frappé les esprits : "S’ils entrent sur le site EDF, je ne donne pas cher de leur peau." Les deux agents, toujours en fonction, encourent cinq ans de prison et une amende de 75.000 euros. 

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