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Chaque jour, Didier François traite d’un sujet international.

Rien n’aura pu calmer la fureur de Donald Trump après la publication dans la presse britannique des télégrammes rédigés par l’ambassadeur britannique à Washington. Malgré un soutien sans faille de son gouvernement et de la Première ministre Theresa May, le diplomate a remis hier sa démission au patron du Foreign Office.

Oui, une réaction digne mais surtout extrêmement professionnelle de la part de Kim Darroch qui en ambassadeur très expérimenté, certainement l’un des plus expérimenté de la diplomatie britannique, a parfaitement conscience qu’il ne pourra plus tenir son rang  à Washington après que ses analyses ont été rendues publiques. Car sa plume n’était vraiment pas tendre pour le locataire de la Maison Blanche. Et on peut comprendre que l’immense ego du président américain ait été quelque peu été froissé à la lecture des morceaux choisis qui ont été publiés, dont cette note de 2017 dans laquelle l’ambassadeur assure qu’il ne croit pas au fait "que cette administration puisse devenir plus normale, moins dysfonctionnelle,moins imprévisible, moins divisée, moins maladroite et inepte diplomatiquement".

Après une telle charge, il était impossible de rétablir une relation de travail confiante. La violence des tweets tirés par Donald Trump pendant quatre jours, en rafales continues, dans lesquels l’ambassadeur Darroch a été traité tour à tour "d’imbécile prétentieux", de "type stupide", ou de "farfelu", a achevé de convaincre le diplomate qu’il était indispensable de tourner la page pour tenter de sauver cette fameuse "relation spéciale" qui lie le Royaume Uni aux Etats-Unis depuis la seconde guerre mondiale.

Pourtant de nombreux responsables politiques britanniques ont regretté la démission de l’ambassadeur Darroch, depuis la chef du gouvernement jusqu’au tête de file de l’opposition travailliste.

Oui, ce qui est plutôt sympathique et qui sonne aussi comme une reconnaissance de l’excellent travail fournit par Kim Darroch depuis 2016. Mais c’est lui qui a raison : un ambassadeur doit tenir en permanence deux rôles, qui sont parfois contradictoires. D’un côté, il doit aux décideurs politiques de son pays la plus grande vérité sans travestissement et sans fards, mais en même temps il représente et défend les intérêts de son Etat auprès du pays dans lequel il est détaché. Et pour cela, il lui faut établir puis entretenir les meilleures relations possibles avec les autorités qui l’accueillent.

Quitte à savoir leur faire montre d’une certaine duplicité. Aujourd’hui, à cause des fuite organisées dans la presse britannique les masques sont tombés et Kim Darroch ne peut plus remplir sa mission. 

Son successeur aura certainement le même problème.

Effectivement, la vraie question c’est de savoir comment des ambassadeurs peuvent continuer à faire de la diplomatie à l’heure où il existe dans nos sociétés un fort courant de pensée qui estime que tout devrait être totalement transparent. Cela avait commencé avec Wikileaks, qui en 2010 avait publié pas moins de 250 000 télégrammes diplomatiques américains. Le monde entier en avait fait les gorges chaudes. Mais ce n’est pourtant pas sans une certaine sagesse que la convention de Vienne prévoit qu’on ne puisse pas ouvrir les valises diplomatiques que des chiffreurs sont détachés dans les ambassades pour coder les télégrammes envoyés vers les ministères des Affaires étrangères.

Une bonne diplomatie ne peut exister qu’au prix d’une certaine confidentialité.