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"Depuis quand, comment et surtout pourquoi a-t-on créé ça ?" Vous ne vous êtes peut-être jamais posé la question. Qu’importe ! Lui a la réponse… David Castello-Lopes remonte, avec humour, aux origines d’un objet de notre quotidien. Aujourd'hui, la mention "toute ressemblance avec des personnages existants serait purement fortuite".

En France, la formule exacte et intégrale de cette mention légale est « Toute ressemblance avec des faits et des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d’une pure coïncidence ».

On retrouve aussi cette formulation en anglais, sous la forme suivante : « Any similarities to actual person, living or dead, or actual events, is purely coincidental ».

Aux Etats-Unis, cette mention est présente dans tous les films, même des films comme Spider-Man, où on se doute bien que l’histoire n’est pas basée sur des faits réels. Plus étrange encore, c’est mentionné sur des films entièrement basés sur des gens et des faits qui ont existé.

L’un des meilleurs exemples est sans doute le film Raging Bull de Martin Scorsese, où Robert de Niro joue un boxeur italien. Raging Bull est tiré presque trait pour trait de la vie du boxeur Jake LaMotta. Ce détail est spécifié sur l’affiche et LaMotta est crédité parmi les consultants du film mais la mention légale « Toute ressemblance avec des faits… » est tout de même présente.

Une mention en lien avec Raspoutine

Pour comprendre d’où vient l’obsession pour cette mention, il faut remonter jusqu’à la Russie de la fin du XIXe siècle. Elle a en effet un lien avec… Raspoutine ! Guérisseur russe, charismatique et particulièrement libidineux, il était ami avec le tsar Nicolas II mais aussi (et surtout) avec sa femme Alexandra. Raspoutine a été assassiné en 1916 par un petit groupe d’aristocrates russes qui n’appréciait pas beaucoup l’influence qu’il pouvait avoir sur le tsar.

L’un de ces aristocrates était le prince Félix Ioussoupov qui, en condamnation de ce crime, a été assigné à résidence dans l’un de ses domaines en Russie (son statut, ainsi que celui de son épouse expliquent l’absence de condamnation à mort). La révolution russe éclate quelques mois plus tard. Ioussoupov parvient à fuir et s’exile en Angleterre d’abord, puis en France, où il restera avec son épouse jusqu’à sa mort.

Quelques années après son installation dans la capitale française, il publie ses Mémoires, dans lesquels il raconte en détail comment il a assassiné Raspoutine avec ses complices.

Le procès de la princesse Irina

Seize ans plus tard, au début des années 1930, les studios MGM aux Etats-Unis sont intéressés par une adaptation cinématographique de l’histoire de Raspoutine. Le film est sorti sous le titre « Raspoutine et l’Impératrice » et raconte le côté lubrique de Raspoutine avec les femmes, mais aussi son meurtre par Ioussoupov. Le nom des meurtriers a été changé mais il s’agissait évidemment de lui.

Ioussoupov n’a pas du tout apprécié cette adaptation, estimant que les détails du meurtre étaient erronés. Il a tenté de faire un procès à la MGM mais difficile de poursuivre en diffamation pour un manque de précision concernant un meurtre que l’on a avoué avoir commis.

Mais le scénario du film dit aussi que Raspoutine aurait violé la femme de son meurtrier. Il s’agissait donc d’Irina, une princesse impériale qui avait épousé Ioussoupov en 1914. Irina choisit de poursuivre la MGM, estimant que le scénario la déshonorait, et gagna son procès, obligeant les studios à lui verser l’équivalent de deux millions et demi de dollars de l’époque.

Si la princesse a pu gagner son procès, c’est en grande partie parce que la MGM avait beaucoup insisté sur le fait que le film était basé sur de vraies personnes, dont certaines d’entre elles étaient encore vivantes. Le juge a estimé qu’il s’agissait plutôt de fiction et que cela aurait dû être précisé.

C’est à partir de ce moment que l’on a vu apparaître la mention « Toute ressemblance avec des faits et des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d’une pure coïncidence ».

Une mention qui ne protège pas toujours

Mais cela protège-t-il vraiment les maisons de production contre les procès ? Pas toujours, on trouve au moins deux exemples où la mention n’a pas fonctionné.

Dans les années 80 par exemple, un film qui racontait l’histoire d’un chanteur appelé Fabian a été poursuivi par l’artiste, qui a gagné et a pu empocher 7% des recettes du film.

Aujourd’hui, cette mention est parfois contournée. La série Fargo par exemple, a choisi de prétendre que l’histoire est basée sur des faits réels… qui sont en fait de la pure invention (mais le spectateur ne s’en rend compte que plus tard).

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