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Chaque matin, Laurent Joffrin a carte blanche pour nous éclairer sur un sujet qui l'a marqué dans l'actualité.

"Trois dîners litigieux, ou irréguliers, une réfection de logement de fonction un peu trop onéreuse, même si les réparations coûtent cher dans les bâtiments historiques. La montagne médiatique accouche donc d’une grosse souris. De Rugy blanchi ? Pas tout à fait, contrairement à ce que clament les contempteurs de la presse, qui la lisent pourtant avec avidité et en tirent de bruyantes philippiques quand les affaires mises au jour touchent leurs voisins.

"Le vrai danger dépasse le cas de Rugy l’inconséquent"

Le ministre a été maladroit pour le moins, sinon fautif. Évoluant dans une zone grise, celle des frais de fonctionnement des élus, et ayant lui-même administré de virulentes leçons de transparence,  il a choisi plusieurs fois, en connaissance de cause d’interpréter à son avantage les incertitudes de la règle. Un principe de précaution élémentaire lui commandait pourtant, dans cette atmosphère anti-élites, de jouer profil bas et d’affecter plus d’austérité. Le bling-bling, serait-il légal, ne passe plus dans l'opinion.

Il a d’ailleurs confessé lui-même "des erreurs", ce qui devrait tarir la polémique sur le bien-fondé des reproches qui lui sont faits. Hubris mineur, qu’il paie au prix fort d’une démission. Pour le reste, selon qu’on préfere Robespierre ou Danton, on en tirera un jugement impitoyable ou nuancé. A titre personnel, on préférera Danton, qui n’était pas un tiède - il a renversé le roi et créé le Tribunal révolutionnaire - mais qui finit par être écœuré par le bruit des têtes qui tombaient, jusqu’à ce que la sienne rejoigne le panier. Et pourtant, en ces temps de gilets jaunes, le style Robespierre, avec ou sans moustaches, est mieux porté...

"Plusieurs pays ont déjà donné l’exemple : il suffit de s’en inspirer pour parfaire un dispositif de contrôle déjà resserré"

Le vrai danger dépasse le cas de Rugy l’inconséquent. Il réside dans la mise en cause sommaire, indistincte et vindicative de la classe politique dans son ensemble, qu’on détecte derrière les réquisitoires vertueux dispensés ici et là. Certes, on doit réglementer plus nettement les frais de fonctionnement des ministères et de l’Assemblée, de manière à clarifier les lignes jaunes à ne pas franchir. Rien de bien sorcier dans cette tâche : une raréfaction des logements de fonction, dont l’usage doit être justifié par des impératifs précis, domicile lointain ou contraintes évidentes de sécurité, tarification claire des frais de bouche et diminution des facilités domestiques accordées aux ministres.

Plusieurs pays ont déjà donné l’exemple : il suffit de s’en inspirer pour parfaire un dispositif de contrôle déjà resserré, même si quelques mailles sont trop lâches. Mais il faut en même temps répéter hautement qu’il n’y a rien de scandaleux à rémunérer gouvernants et législateurs comme des cadres  dirigeants de PME et à faciliter leur travail par des conditions matérielles suffisantes. Les mettre au pain sec, ce serait écarter de la politique les compétences et accroître les tentatives de corruption. On croirait assainir la démocratie. On ne ferait que l’affaiblir."