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Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.

Bruno le Maire a annoncé hier qu’il souhaitait que les Titres restaurants puissent continuer à servir à acheter de la nourriture et pas seulement à régler des repas au restaurant.

C’était le cas depuis aout 2022 et la loi sur la Protection du pouvoir d’achat. Mais cette mesure temporaire doit s’arrêter au 31 décembre. Devant le tollé, le Gouvernement veut trouver un moyen de la reconduire – il faut une loi pour ça. Parce que le dispositif n’est pas  initialement pas pensé pour faire les courses. Il a été conçu il y a 50 ans pour permettre aux salariés qui n’ont pas accès à une cantine d’acheter un repas, subventionné à moitié par l’entreprise. Laquelle est exemptée de charges sur sa contribution. C’est donc, aussi, un dispositif financé par l’Etat. 1.5 milliard par an

Ça ne fait pas l’unanimité, cette prolongation du Titre restaurant en ticket de caisse.

Question de point de vue. Les professionnels de la restauration ne sont pas du tout d’accord, Ils estiment que dans titre restaurant, il y a restaurant et qu’il doit continuer à leur profiter. Un marché à plus de huit milliards d’euros, qui ne cesse de croître, cinq millions de bénéficiaires. Les restaurateurs vivent mal que la grande distribution vienne siphonner cette manne. Pour les consommateurs, autre paire de manches. Les chiffres sont éloquents : 47% des titres restaurant sont utilisés hors de restaurants depuis qu’on peut faire les courses avec. Les consommateurs en ont plus besoin pour remplir le frigo que pour payer le resto.

Le gouvernement est de toutes façons en train de réfléchir à une façon de faire évoluer le dispositif.

Visiblement, plus très adapté. Télétravail, nouveaux besoins de pouvoir d’achat. Il a besoin d‘un lifting. Problème, il y a là d’énormes intérêts économiques en jeu qui rendent le système difficile à réformer. C’est d’ailleurs ce que disait l'autorité de la concurrence en octobre, dans un rapport sévère sur le secteur. Elle pointait un glacis de quatre acteurs qui trustent 99% du marché. Cela rend impossible l’arrivée de nouveaux acteurs.
Elle pointait aussi des commissions trop élevées, et une forme de captation de fonds, puisque chaque acteur a l’exclusivité sur les titres qu’il émet, entretient un réseau de restaurateurs qui les acceptent. Tout ça est peu transparent.

Il y a un côté très paternaliste à ces titres restaurants.

Oui. Les salariés en financent la moitié mais, pour autant, c’est une forme d’argent qu’ils ne peuvent pas dépenser comme ils le veulent. La somme quotidienne est limitée, l’utilisation le dimanche interdite, même quand on travaille. Ca mérite réflexion, cette histoire. Subventionner un déjeuner, ça doit pouvoir s’entendre au restaurant, à emporter mais aussi préparé à la maison. Est-ce qu’on ne pourrait pas simplement imaginer une enveloppe que les salariés dépenseraient à leur guise, plutôt que de diluer les fonds en intermédiaires ?

Les titres restaurants sont une invention française. Et on est dans une de ces situations si françaises où, pour simplifier la vie des gens, l’Etat a fini par créer une bureaucratie compliquée, des parcours ultra fléchés. Sauf que cette usine à gaz n’est pas publique, elle est privée. Et elle a créé une forme d’addiction dont il faut se sevrer.