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Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.

Hier, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau a présenté un plan de soutien à la filière bio, qui ne va pas très bien.

Avec, entre autres, un plan d’urgence de 90 millions d’euros pour renflouer les exploitations bio, Il y en a un peu plus de 60 000 et nombre d’entre elles ont du mal à joindre les deux bouts. Les agriculteurs bio ont, comme les autres, du mal à vivre de leur travail.

Le bio a connu des années fastes, pourtant.

Oui, le marché a cru très vite jusqu’en 2019. Mais selon la fédération de l’agriculture bio, il a perdu 250 millions d’euros en 2022, et 300 millions en 2023. J’ai rencontré hier un producteur de céréales bio, 27 ans d’expérience. Il m’a expliqué que les silos de céréales sont pleins fautes d’acheteurs. Les pommes bio restent dans les frigo. Quant au bœuf, il se vend bien en-deçà de ses couts de production.  Une crise jamais vue selon lui.

On a quelques explications ?

Hier, l’Agence bio, qui promeut la filière a publié son baromètre annuel. Il existe depuis 21 ans, il permet donc un bon suivi... Il y a des enseignements intéressants. D’abord, les Français ont des problèmes de pouvoir d’achat, et le bio, qui est plus cher, trinque. Et puis dans une période où ils se serrent la ceinture, ils ont changé de vision de ce qu’est une bonne alimentation. Les précédents baromètres montraient qu’ils l’associaient à une bonne santé, à la préservation de l’environnement, des arguments de la filière bio. Désormais, une bonne alimentation, c’est une alimentation plaisir.

Et le bio, ce n’est pas du plaisir ?

Visiblement, il souffre d’une image austère, façon légumes anciens, graines, quinoa et tofu. Les professionnels du bio aimeraient en sortir...

On peut se poser des questions sur les politiques publiques qui ont conduit les agriculteurs bio dans cette impasse

Oui : les pouvoirs publics ont poussé, financé, les conversions au bio, mais ils ne se sont pas souciés de savoir qui achèterait les produits. Il y avait un marché pour le bio, ça marchait bien. L’intervention de l’Etat a fait capoter l’équilibre. Le raisonnement pour développer la filière n’a pas été rationnel ou économique, mais idéologique. Le problème, c’est que nombre d’agriculteurs ont fait de gros efforts, et n’en sont pas récompensés. Pire, ils sont en danger

D’autant que l’Etat ne s’est pas appliqué ses propres convictions.

La loi Egalim prévoit 25% des produits bios dans les cantines scolaires. On en est à 12%. La relance, selon les professionnels du bio, c’est par là qu’elle passera. L’Etat doit absorber l’offre qu’il a fait pousser artificiellement.

Ca pose des questions pour l’avenir.
Le plan stratégique national que la France a conçu pour la Pac vise 18% de surfaces en bio en 2027, contre 11% actuellement. Il serait peut-être bon de se demander maintenant sur quoi repose cet objectif. Envoyer au casse-pipe des générations d’agriculteurs, pour devoir les sauver après. C’est un gâchis économique, humain, et aussi environnemental. L’argent serait peut être mieux é améliorer les pratiques de l’agriculture conventionnelle.