Anne-Laure Jumet et Isabelle Ory font le point sur l'actualité du jour.
Economie : il n'y aura pas de "taxe Google" - par Anne-Laure Jumet.
Le conseil constitutionnel a retoqué cette mesure inscrite dans le projet de budget 2017. L'idée c'est de faire payer des multinationales qui échappent aujourd'hui à l'impôt. Google n'est qu'un exemple. Il ne s'agit pas bien entendu de taxer seulement ce géant du net.
Sont concernées les sociétés, surtout dans la nouvelle économie, mais pas seulement, qui utilise le système et font de l'optimisation fiscale. Elles ont des activités en france, mais paient moins d'impôts qu'elles ne devraient. Il y a beaucoup de trous dans la raquette. Ainsi, les Google, Apple, Facebook ou Amazon (ceux qu'on appelle les Gafa) déclarent en Irlande ou au Luxembourg une grande partie de leur chiffre d'affaires alors même qu'ils perçoivent des revenus en France. Et ce n'est pas fini, les bénéfices sont ensuite localisés dans des paradis fiscaux comme les îles caïmans ou Gibraltar.
Dans le système imaginé par des députés socialistes et édulcoré à la demande de Bercy, les multinationales ne pouvaient plus dire qu'elles n'avaient pas de filiales en France pour échapper à l'impôt. Il y avait une présomption d'activité stable en France.
Pourquoi le conseil constitutionnel a t-il retoqué la mesure ?
Les sages ont estimé que le fisc ne pouvait pas choisir les contribuables qui entrent ou pas dans le champs d’application de l'impôt sur les sociétés. Pas de quoi mécontenter Bercy qui n'était pas favorable à cette taxe Google. Selon le ministère, les outils existent déjà. Le fisc a la possibilité de redresser les entreprises en cas d'abus, quand les montages sont trop grossiers.
D'ailleurs les Gafa ont déjà été redressés à hauteur de 2 milliards et demi d'euros et c'est ce n'est pas fini non plus car il y a encore des contrôles sur les comptes 2013 à 2015. En tous cas ce dossier montre la difficulté de taxer les géants du Net. L'Europe et les Etats-Unis cherchent la bonne idée pour faire en sorte que ces géants n'échappent plus à l'impôt mais c'est effectivement un travail de longue haleine
Un projet de directive européenne est sur la table. Il prévoit la publication, pays par pays, des données comptables et fiscales des multinationales qui ont une filiale en Europe. Chiffre d'affaires, bénéfice, impôt payés, on pourrait tout connaitre. C'est une première étape pour taxer l'activité dans le pays où elle a lieu mais il reste encore un certain chemin à parcourir car il faut l'unanimité pour que cette directive soit effective. Or cette transparence n'est pas du goût de tout le monde. l'Irlande, les Pays Bas ou encore le Luxembourg font tout pour retarder son adoption.
International : Retour sur le cessez-le-feu en Syrie - Par Isabelle Ory
Ce cessez-le-feu en Syrie conclu sous l’égide de la Turquie et de la Russie, avec l’Iran en coulisses. C’est assez inédit que ces 3 pays jouent les faiseurs de paix...
C’est vrai qu’en entendant ces trois noms, nous les Français, nous les Occidentaux, j’ai envie de dire, on a le sentiment de perdre quelques repères. Dans notre vision du monde, ce sont les Nations-Unies, les Etats-Unis, les Européens ou encore des pays neutres comme la Suisse qui jouent les intermédiaires pour mettre fin aux conflits armés.
Oui, mais cette fois ils sont tous aux abonnés absents, impuissants. Les Européens sont une fois de plus divisés, ils condamnent et ne font rien. Les Américains sont en pleine transition entre deux présidents, ils semblent avoir renoncé à user de leur influence sur ce terrain, on l’a vu avec la chute d’Alep. La voie est donc libre pour de nouveaux acteurs.
Il y a ce cessez le feu, il y a aussi l’annonce de négociations de paix au Kazakhstan le 20 janvier. Pas à Genève ou à Vienne, non, A Astana au Kazakhstan ! C’est un peu comme si on assistait à la naissance d’un nouveau monde Nous nous sommes habitués à un monde dominée par l’hyper-puissance américaine, où l’Europe garde un pouvoir d’influence. Et là on voit émerger de nouvelles puissances.
Prenez la Russie de Vladmir Poutine, elle est très active. On l’a vue en d’abord en Ukraine. On soupçonne aussi qu’elle mène une guerre souterraine de communication pour influencer l’opinion dans les grands pays occidentaux. Elle est en train de retrouver un statut perdu depuis la fin de la Guerre froide. Ensuite, la Turquie d’Erdogan, voilà un pays imprévisible, qui prend ses distances avec les Européens. Et dont ils ont désormais trop besoin pour mal le traiter.Et enfin il y a l’Iran, infréquentable il y a encore peu de temps. L’Iran est revenu sur la scène internationale après l’accord sur le nucléaire et il cherche à jouer un rôle de puissance régionale.
Mais est-ce que ces trois pays peuvent former une alliance durable ?
C’est difficile à dire tant ils sont imprévisibles. Pour l’heure ils ont des intérêts communs : ils veulent le maintien du régime d’Assad, la Russie parce que c’est son allié traditionnel, l’Iran parce qu’il est chiite et la Turquie parce qu’elle veut éviter la naissance d’un état kurde. Du coup les trois alliés sont tentés de maintenir un régime de paille à Damas et de se répartir des zones d’influence en Syrie. Chacun la sienne. Un peu comme les Alliés l’ont fait en Allemagne après la Seconde Guerre mondiale. Est-ce que ça va tenir ? Trop tôt pour le dire, mais le simple fait que cette alliance existe, c’est en soi un changement frappant.