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François Clemenceau revient chaque matin sur un évènement international au micro d'Europe 1 Bonjour.

L’Europe expulse des espions russes mais c’est anachronique

14 pays de l’Union européenne ont expulsé hier plus d’une centaine d’agents russes sous couverture diplomatique. On se croirait revenu au temps de la Guerre froide sauf que cela fait longtemps que la Russie a changé de méthodes. 

Et le plus troublant, c’est que les pays dont se sert la Russie pour y développer ses actions de déstabilisation en Europe sont restés pour l’instant à l’écart de ce mouvement de sanctions et d’expulsions. Pas tous, certes, mais si vous prenez l’Autriche, la Bulgarie, la Hongrie, la Grèce, Chypre, la Hongrie, Malte ou la Slovaquie, ceux-là sont particulièrement exposés. Selon un rapport publié il y a quelques mois et dont la plupart des conclusions ont été confirmées de source diplomatique ou indépendante, il est clair que la Grèce, Chypre et Malte sont particulièrement affectées par des opérations financières criminelles dont beaucoup permettent à des proches du Kremlin de nettoyer de l’argent sale. Trois des agences de surveillance des activités bancaires ou boursières européennes ont été à nouveau mises en garde récemment contre ce noyautage. En Hongrie ou en Autriche, les rapports des services de renseignement indiquent que des agents russes ont monté depuis longtemps des filières de recrutement de jeunes adeptes des sports de combat pour leur servir d’hommes de main ou de liaison pour des opérations de renseignement ou de déstabilisation. En Hongrie, il existe une connexion établie entre des mouvements paramilitaires nationalistes, des clubs de paintball où l’on peut s’entrainer sur des armes à feu, et des agents russes.

Les services de renseignement s’inquiètent également de l’activité russe dans les Balkans.

Oui, parce qu’à part la Croatie et la Slovénie qui sont bien ancrées dans l’Union européenne et l’OTAN, il y a là plus de 20 ans après la fin de la guerre des Balkans, des voisins déstabilisés. Il est acquis pour le renseignement occidental que  la tentative de coup d’État au Monténégro l’an dernier était pilotée par le GRU, le renseignement militaire russe pour faire échouer son ralliement à l’OTAN. Même implication dans les affrontements politiques en Macédoine. Et lorsque ce n’est pas le nationalisme qui est instrumentalisé, c’est le racisme ou l’islamophobie. Pas seulement sur internet. En Allemagne, cette fois, les services ont noté la présence de plus de 60 clubs de combat qui pratiquent la méthode systema enseignée dans l’armée russe et les enquêteurs soupçonnent ses membres d’avoir été mêlés à des actions de rue contre les migrants pour exacerber les divisions politiques sur le sujet. Le rapport cité indique que 10% de la population carcérale en Allemagne est aujourd’hui russophone, ça donne une idée de l’ampleur du phénomène.

Autrement dit, toutes ces expulsions ne servent à rien.

Pas forcément. Beaucoup de ces agents sous couverture diplomatique coordonnaient ce chantier de lente pénétration du tissu social européen. Et il y aura donc une période de flottement. Mais le rapport sur les activités mafieuses de la Russie en Europe recommande de multiplier les effectifs et les budgets pour y faire face et surtout de mieux coordonner le travail des services avec celui de la police de proximité. Exactement comme on le fait pour les islamistes radicalisés tentés par le djihad.