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La Côte d’Ivoire et le Ghana accusent les géants mondiaux américains du chocolat de ne pas respecter leur engagement vis-à-vis des planteurs de cacao, à savoir de payer ce que l’on appelle le DRD, le différentiel de revenu décent. Nicolas Barré fait le point sur une question d'actualité économique.

À l’approche des fêtes et alors que l’on s’apprête à connaître un boom de la consommation de chocolat, nous avons voulu nous intéresser à l’envers du décor, qui réserve bien des surprises.

C’est la guerre entre les deux plus grands producteurs de cacao du monde, la Côte d’Ivoire et le Ghana, et les industriels du chocolat comme Mars, Hershey. Les deux pays menacent de boycott les géants mondiaux américains du chocolat. Ils les accusent de ne pas respecter leur engagement vis-à-vis des planteurs de cacao, à savoir de payer ce que l’on appelle le DRD, le différentiel de revenu décent. C’est en fait une prime de 400 dollars par tonne de cacao soit environ 2.500 dollars actuellement sur le marché mondial. Une prime qui permet d’assurer aux agriculteurs ghanéens et ivoiriens un revenu décent. Car 80% de ces agriculteurs vit avec moins de trois dollars par jour.

L’industrie du chocolat réfute ces accusations.

Avec un peu de mauvaise foi. Il faut savoir qu’en 2019, face à une situation sociale explosive en Afrique de l’Ouest, ils avaient accepté la mise en place de ce mécanisme de prime car la moitié des planteurs vit sous le seuil de pauvreté. Mais ce qui a mis le feu aux poudres, c’est que ces dernières semaines, le géant américain Hershey a acheté du cacao directement sur le marché à terme de New York, et non pas auprès des deux grands pays producteurs. Ce qui lui a permis de ne pas verser la fameuse prime. D’où la colère des ivoiriens et des ghanéens qui ne disposent que d’une arme, mais puissante : l’opinion publique. Les deux pays menacent de suspendre les programmes de certification de ces grands chocolatiers qui leur permettent de mettre un tampon "cacao durable" sur leurs produits. Sans ce label, ils risquent de perdre des marchés en Europe et aux États-Unis. Et de ternir leur image auprès des consommateurs.

Ces tensions surviennent aussi parce que le marché a subi les effets de la crise.

Les cours ont beaucoup baissé en début d’année à cause du Covid, ils sont un peu remontés depuis mais le Ghana et la Côte d’Ivoire, qui représentent à eux seuls 60% de la production mondiale de fèves de cacao, estiment qu’ils sont les parents pauvres de ce marché. Cela fait des décennies que ça dure. Sur un marché mondial de 100 milliards de dollars, les producteurs n’en touchent que 6% tandis que les pays consommateurs en perçoivent 15% rien qu’en taxes sur ces produits. L’élection présidentielle au Ghana lundi prochain rend le sujet encore plus brûlant. La guerre du cacao n’est pas terminée.