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Chaque matin, Nicolas Barré fait le point sur une question d'actualité économique.

C’est parti, Facebook va lancer sa propre monnaie ?

Effectivement et ce sera une monnaie mondiale, forcément, puisque le réseau social compte 2,3 milliards d’utilisateurs. Facebook mûrit ce projet depuis de longs mois. Il a décidé de ne pas y aller tout seul mais avec un groupe initial de 27 partenaires. Parmi eux, vous avez les grands spécialistes mondiaux des paiements: Visa, MasterCard, PayPal. Mais aussi Uber, eBay, Booking.com, Spotify. Et également Iliad, la maison mère de Free. Tous ces partenaires disposeront d’un serveur au sein de l’architecture informatique de cette monnaie, puisqu’il s’agira d’une cryptomonnaie, un peu comme le bitcoin. Facebook espère attirer une centaine de partenaires d’ici la fin de l’année dans son projet de monnaie appelée officieusement le Libra.

À quoi ça sert d’avoir sa propre monnaie ?

Concrètement, ça permet à tous les utilisateurs des réseaux Facebook mais aussi Messenger, WhatsApp ou même Instagram de faire des transactions entre eux via des portefeuilles numériques. L’intérêt pour les partenaires, par exemple Uber ou Spotify, c’est un accès facilité aux utilisateurs des réseaux sociaux dont Facebook connaît évidemment tous les goûts et comportements au millimètre. On peut aussi imaginer qu’à terme, Facebook et ses partenaires pourront lancer des produits financiers basés sur le Libra, bref qu’ils concurrencent un jour directement les banques. Bref, avec cette monnaie électronique, Facebook et ses partenaires de qui seront de plus en plus nombreux se donnent les moyens de créer tout un écosystème, leur propre univers économique et monétaire.

En concurrence avec les États ?

Est-ce la fin de l’État-nation, dont un des privilèges majeurs est de battre la monnaie? C’est la grande question. Gilles Babinet, l’un des meilleurs spécialistes en France du sujet, la posait d’ailleurs en ces termes dans une note récente de l’Institut Montaigne. Tel qu’il est conçu par Facebook, le Libra sera rattaché à un panier de devises, sa valeur sera donc calculée par rapport à ces monnaies, très probablement le dollar, l’euro, le yen. Il ne va donc pas se substituer à ces monnaies mais les concurrencer par l’usage, ce qui est inédit: s’il est plus pratique, demain, de payer sa course en Uber ou son abonnement Spotify en Libra plutôt qu’en euro, c’est évidemment un défi pour nos monnaies. Le libra sera géré indépendamment de Facebook par une fondation basée à Genève. On est donc bien en train d’assister à la naissance d’une monnaie privée, susceptible de rivaliser avec les plus grandes devises. Il y en aura d’autres: Amazon, Microsoft, Alibaba et d’autres ont aussi des projets de ce type dans leurs cartons. Pour les Etats-nations, oui, c’est un défi majeur, je dirais même existentiel.