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La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s'entretiendra ce lundi avec Boris Johnson. Les pêcheurs sont au cœur de cet ultime bras de fer. Nicolas Barré fait le point sur une question d'actualité économique.

Y aura-t-il un accord sur le Brexit ? La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen s'entretiendra ce lundi soir avec Boris Johnson. Les pêcheurs sont au cœur de cet ultime bras de fer.

Cela fait quatre ans et demi que les Britanniques ont voté en faveur du Brexit par référendum, avec un peu plus d'un million de voix d'écart sur 34 millions. Ça fait quatre ans et demi qu'ils essaient de diviser les Européens pour négocier un accord commercial qui leur soit favorable. Et ça fait quatre ans et demi qu'ils savent qu'à la fin, dans les derniers jours ou les dernières heures, la pêche est le sujet qui peut tout bloquer. La pêche, c'est un petit sujet économique -0,1% du PIB- mais un très gros sujet politique. Des deux côtés de la Manche. Un sujet sur lequel la France, mais pas seulement elle, la Belgique, l'Espagne, sans doute les Pays Bas et d'autres, sont près à mettre leur véto si l'accord ne les satisfait pas.

Nos pêcheurs ont beaucoup à y perdre.

Les pêcheurs français, belges, néerlandais etc. oui car l'adhésion du Royaume Uni à l'Union européenne en 1973 leur a petit à petit donné accès aux eaux britanniques qui sont extrêmement poissonneuses : 30% des prises françaises s'effectuent dans ces eaux, cela représente même jusqu'à 90% des débarquements dans le port de Lorient. Les Espagnols et les portugais, très gros pêcheurs, écument les eaux britanniques, notamment au nord de l'Écosse. Ces zones sont vitales pour eux : l'Espagne compte 100.000 pêcheurs. Tous ces pays disposent de quotas de pêche et cette concurrence dans les eaux britanniques a divisé par deux le nombre de pêcheurs au Royaume Uni depuis qu'il fait partie de l'Europe. C'est d'ailleurs pourquoi les pêcheurs outre-Manche sont presque tous pour le Brexit : pour eux, l'Europe c'est la ruine.

Ce qui n'est pas tout à fait exact.

Non car une grande partie des prises des chalutiers européens dans les eaux britanniques (environ 40%) est transformée au Royaume Uni, ça fait donc vivre toute une filière industrielle. Et les trois quarts de ces produits transformés, conditionnés, surgelés, mis en conserve etc. sont exportés vers l'Union européenne. Voilà pourquoi les deux rives de la Manche ont intérêt à s'entendre : nous pour continuer à pêcher dans ces eaux et eux pour continuer à nous vendre leurs produits sans subir de droits de douane. Mais en votant pour le Brexit, les pêcheurs britanniques ont voulu récupérer leur souveraineté sur leurs eaux. Londres voudrait que les droits de pêche soient négociés tous les ans. Inacceptable pour les Européens : comment voulez-vous programmer vos investissements et entretenir votre flotte avec une telle incertitude ? Les Européens demandent au moins dix ans de visibilité. On en est là. Deal ou "no deal" : la partie se joue largement en mer.