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Chaque matin, Nicolas Barré fait le point sur une question d'actualité économique.

La tragédie d’Ethiopian Airlines vire à la catastrophe industrielle majeure pour Boeing. Partout dans le monde, les autorités de tutelle de l’aviation civile interdisent de vol cet appareil flambant neuf.

La France, comme un très grand nombre de pays, a interdit de vol cet appareil en attendant d’en savoir plus. Près de 80% des 737 Max sont désormais cloués au sol. Même aux États-Unis où il n’y a pas eu d’interdiction, la confiance des passagers est rompue. Les gens n’ont pas vraiment envie de voler à bord de cet appareil. C’est donc potentiellement une très lourde catastrophe industrielle pour Boeing. À ce stade, les autorités ne font bien sûr que prendre des mesures de précaution : l’enquête commence à peine. Mais jamais le principe de précaution n’a été appliqué aussi vite, par autant de pays d’un seul coup. C’est donc d’ores et déjà un coup très dur pour l’avionneur américain.

 

Avec des conséquences industrielles majeures ?

On ne parle pas d’un avion marginal dans la gamme de Boeing, on parle de son best-seller, notamment de l’appareil favori des low costs. Rendez-vous compte, il a été mis en service en 2017 et dès l’année suivante, il est devenu l’appareil le plus vendu au monde. Il se compare à l’A320 d’Airbus. Les chiffres donnent le vertige et c’est pour ça que Boeing s’effondre en Bourse. Le 737, c’est 85% du carnet de commandes de Boeing, il en a 5.000 en commande ! C’est plus de 40% de ses profits ! Il faut ajouter que l’on parle de Boeing mais il faut aussi évoquer toute la chaîne des sous-traitants, notamment français, très nombreux, qui dépendent des commandes de 737. C’est donc, en cascade, un coup dur pour toute la filière aéronautique y compris chez nous en Europe.

 

Est-ce que ça veut dire que ce programme est peut-être condamné ?

Non, heureusement. On en est à la 12e version du 737 qui a transporté 22 milliards de passagers depuis sa mise en service en 1967. Boeing est en train de corriger ce qui doit l’être sur ce nouveau modèle, en particulier les logiciels du système anti-décrochage. Une mise à jour sera effectuée, les pilotes seront formés. Le best-seller d’Airbus, l’A320, a aussi connu des débuts difficiles avec trois crashs, notamment au Mont Sainte Odile près de Strasbourg. Mais à chaque fois, il s’agissait d’erreurs de pilotage. Là, sous réserve des conclusions de l’enquête, c’est plutôt le matériel qui est en cause. C’est donc potentiellement beaucoup plus grave pour Boeing. Les conséquences financières et industrielles seront lourdes. Mais sans doute pas au point de remettre en cause le programme, ce serait alors un séisme pour toute la filière.