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À l'occasion de la sortie du second livre de Thomas Piketty, Nicolas Beytout décrypte les idées égalitaires de ce phénomène mondial de l'édition.

Il est présenté comme " l’économiste star" à la Une de L’Obs, l’hebdomadaire de gauche. Thomas Piketty sort cette semaine son deuxième livre et c’est un événement.

On comprend pourquoi lorsque l’on regarde les tirages de son premier livre, publié il y a six ans. "Le capital au XXIe siècle" a été vendu à 2,5 millions d’exemplaires, un chiffre faramineux pour un ouvrage très loin du roman de gare.
Mille pages intenses, tellement intenses qu’un chercheur a pu s’amuser à calculer que, sur la liseuse d’Amazon par exemple, seuls 3% des acheteurs étaient allés au-delà de la page 30. Mais peu importe, ce succès mondial de librairie, qu’il était chic et branché d’avoir sur sa table basse, a fait 600.000 exemplaires aux États-Unis et 600.000 en Chine.

C’est donc un vrai phénomène mondial d’édition. Il était dû à quoi ?

Au fait que Thomas Piketty touchait une corde sensible : la montée des inégalités. C’est un vrai sujet, bien sûr, qu’il n’était pas le premier à dénoncer, mais son livre était très documenté, très érudit, et porté par tout un courant politique autour de cette question. Aux États-Unis, par exemple, il a été en phase avec le regain d’une gauche radicale, très critique sur le capitalisme et ses excès.
Et puis en France, il a bénéficié d’un fort soutien médiatique, et de sa participation à la campagne de Benoît Hamon, en 2017. Il était donc dans la lumière.

Et il y revient. Est-ce que son second livre est aussi ambitieux ?

Beaucoup plus ! Il le dit lui-même, sa réflexion a progressé. Il propose désormais ses solutions pour lutter contre les inégalités. "Il est temps, explique-t-il dans les nombreuses bonnes feuilles qui ont été publiées, de dépasser le capitalisme". C’est même d’un grand remplacement du capitalisme dont rêve Thomas Piketty. Son credo : le capitalisme "social et temporaire". Social parce que son objectif est de limiter le montant des biens qu’une même personne a le droit de détenir. Par quel moyen ? L’impôt, bien sûr : un impôt annuel sur le patrimoine, payable dès 200.000 euros de fortune qui monte très vite à cinq, puis 10, puis 60% au-dessus de 200 millions et 90% à partir de deux milliards. Et ce capitalisme sera temporaire, parce que, au bout d’une génération, "chaque famille sera tenue de rendre à la collectivité une partie de sa richesse".

Dans son schéma, l’État pourra lever d’énormes sommes d’impôts. Qu’est-ce qu’il en fera ?

Il les redistribuera à tout le monde. À 25 ans, chaque Français recevra 120.000 euros. C’est, dit-il, "l’héritage pour tous". Et chacun pourra faire ce qu’il veut de cet argent, et pourquoi pas acheter son logement. Mais s’il investit, par exemple dans une entreprise, et qu’il s’enrichit. Hop, impôt , terminé. Il repart à la case départ. C’est assez radical !

Pourquoi en France ? Pourquoi un économiste aussi engagé a-t-il autant d’audience ?

C’est un peu un mystère. Nous sommes déjà le pays développé le plus taxé au monde, celui où les inégalités sont les moins fortes et où, pourtant, la demande égalitariste est la plus pressante. Disons que c’est un des charmes vénéneux de l’esprit français.