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Ce mercredi, Nicolas Beytout revient sur la nomination de Sylvie Goulard, au poste de commissaire européen en charge du marché intérieur.

On est maintenant fixés sur le portefeuille que devrait détenir Sylvie Goulard, la nouvelle Commissaire européenne française. Elle aura en charge le marché intérieur.

Oui, un portefeuille que l’Elysée a immédiatement qualifié "d’essentiel et central". Central, ce n’est pas sûr, dans la mesure où plusieurs pays ont obtenu des postes plus importants, et des portefeuilles directement en phase avec les priorités de la nouvelle Commission. Je pense par exemple à Frans Timmermans, le hollandais, qui sera Vice-président chargé du "Green new Deal", autrement dit du climat et de l’économie verte.

Bon, un poste pas forcément "central", si on vous entend, mais est-ce qu’il est "essentiel" ?

Vu de France, oui, aucun doute. Sylvie Goulard aura dans ses compétences l’industrie, les normes (c’est-à-dire toutes les règles qui régissent la vie des produits, et qui sont souvent l’objet d’une concurrence souterraine féroce), l’innovation aussi. C’est donc elle qui sera en charge de la lutte contre la désindustrialisation de notre continent (et de la France, bien sûr). Elle qui qui pilotera la politique industrielle (tenez par exemple pour créer une industrie européenne de la batterie électrique ; on sait que c’est un domaine aujourd’hui dominé par les Chinois, et sur lequel Bruno Le Maire se mobilise beaucoup).

Sur tous ces sujets, les positions que prendra Sylvie Goulard auront une forte résonance en France, et traduiront une vraie préoccupation du gouvernement français. Ce sera le cas aussi pour une autre de ses attributions : la défense et le spatial, deux domaines où la collaboration entre européens est déjà très développée. Et là aussi, c’est un domaine stratégique.

Ça veut dire en tout cas que la France n’a plus le portefeuille de l’Economie qu’occupe jusqu’au 1er Novembre Pierre Moscovici

Exact. Un poste pour lequel François Hollande s’était battu. Il importait à l’époque de placer à la Commission quelqu’un qui pourrait avoir un regard un peu compréhensif sur les déficits records de la France. Ce qui fut le cas. Ce qui est savoureux, c’est que c’est un Italien qui va reprendre ce portefeuille, l’Italie qui est en train de nous ravir le bonnet d’âne en matière de budget et de déficit…

Ah oui, ça veut peut-être dire qu’Ursula Von der Leyen a de l’humour ?

Peut-être, oui. En tout cas, elle aura à ses côtés une Vice-Présidente qui elle, n’a pas beaucoup d’humour sur les sujets qu’elle traite. C’était une des stars de la Commission sortante, celle de Jean-Claude Junker, et elle va garder les mêmes attributions. Elle s’appelle Margrethe Vestager, elle est danoise, elle restera Commissaire à la Concurrence, ce qui en fait la bête noire des conglomérats et des Gafa. Alors, en France, on la connaît surtout pour son refus d’avaliser le rapprochement Alstom-Siemens, mais son bilan est bien meilleur que ça. C’est par exemple elle qui a poursuivi Apple, qu’il l’a obligé à payer des impôts à l’Irlande. C’est elle qui enquête sur Google et sur ses pratiques anti-concurrentielles.

Elle est en réalité le fer de lance de l’Europe contre la domination des géants américains, Google, Facebook et Amazon, contre leur abus de position dominante. Les Etats-Unis sont en train de se réveiller sur le sujet, il est temps. Car voyez-vous, sauvegarder la concurrence et limiter l’imperium de ces hyperpuissances, en un mot, avoir le choix : c’est aussi un sujet de liberté fondamentale.