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Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce jeudi, il revient sur les difficultés que va rencontrer le gouvernement pour pouvoir isoler les personnes positives au Covid-19.

En s’adressant aux Français, Emmanuel Macron a annoncé qu’il souhaitait que l’isolement des malades du Covid soit "plus contraignant". Un débat très compliqué selon Nicolas Beytout.

Il dirait même "impossible". Non pas que l’on ne puisse pas en parler et s’échanger des arguments. Mais c’est un sujet sur lequel il n’y a pas de bonne solution. L’idée, bien sûr, est très simple : toute personne testée positif doit s’isoler, se confiner strictement pour casser la chaîne de transmission du virus. Aujourd’hui, cette règle est basée sur la bonne volonté et ça ne fonctionne pas. Il faut donc, si on veut stopper rapidement le processus de contamination, rendre "l’isolement plus contraignant".

Ça, c’est la théorie mais, en pratique, ça doit être plus compliqué ?

Absolument. Par exemple pour les gens qui ne peuvent pas être isolés à leur domicile : logement trop petit, pas de pièce disponible pour s’enfermer. Il y a aussi les personnes isolées, justement, qui ne pourraient plus se ravitailler. Alors, une proposition de loi, opportunément déposée par un député du groupe centriste Agir ensemble, a recensé tous ces cas. Elle a imaginé une solution à chaque problème : chambre d’hôtel, accompagnant, référent Sécu à domicile, indemnisation journalière, un vrai kit du parfait "Etat-nounou". Le génie français pour mettre des filets de sécurité de tous les côtés, quoi qu’il en coûte.

Si ça marche, si ça permet d’imposer un isolement.

Ce serait parfait. Sauf que ces solutions terre-à-terre sont peu de choses à côté d’un intérêt bien supérieur, un concept heureusement indépassable en France : les libertés publiques. Enfermer quelqu’un parce qu’il est cas contact ou malade, en l’état actuel du droit, c’est impossible. Et donc, à peine avait-elle été formulée que la proposition du chef de l’État provoquait un vif débat. Emmanuel Macron l’avait d’ailleurs prévu mais c’est sûr qu’en ce moment, offrir à ses adversaires politiques une nouvelle occasion de dénoncer un État liberticide, ça ne va pas de soi.

Est-ce que ce n’est pas un peu le même débat qu’on a connu autour de l’appli StopCovid (puis TousAntiCovid) et son côté optionnel ou pas ?

Si, absolument. La Commission informatique et liberté avait plusieurs fois refusé qu’elle soit obligatoire. Voilà, nos lois et tous les gardiens du temple dont la République s’est dotée protègent nos libertés. C’est leur rôle. Les Français sont hostiles à tout ce qui est obligatoire, c’est leur nature (on le voit en ce moment sur le problème du vaccin). Mais imaginons que l’appli devienne obligatoire pour sortir dans la rue et que tout le monde l’active. Celui qui est positif clignotera vite comme un sapin de Noël et sera confronté au regard soupçonneux des autres. Il se confinera donc volontiers. C’est l’exemple asiatique : on crée une sorte de bulle numérique, une frontière. Bien sûr, ça amène à bousculer la CNIL, mais on s’évite le confinement contraignant. Et en temps de guerre, il faut parfois choisir : renoncer provisoirement à une protection pour sauver une liberté plus fondamentale encore.