"La destruction de la statue de Marianne marquera durablement l’affaiblissement de la République et la crise de la Macronie"

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Chaque samedi et dimanche, Nicolas Beytout, directeur du journal "L'Opinion", donne son avis sur l'actualité de la semaine.

 

Nicolas Beytout, vous nous avez dit hier que l’Arc de Triomphe et les Champs-Elysées symbolisaient ce qu’il y avait eu de meilleur en cette année 2018 : la victoire de l’équipe de France de foot à la Coupe du monde, et la belle cérémonie du centième anniversaire de la fin de la guerre 14-18. Mais vous nous disiez aussi que l’Arc de Triomphe avait symbolisé le pire de l’année.

Exactement. Le pire, c’est-à-dire le vandalisme et les violences incroyables qui ont émaillé les nombreuses manifestations des "gilets jaunes", en ce mois de Décembre, soit à peine deux semaines après la commémoration de la paix par les plus grands chefs d’Etat de la planète réunis au pied de l’Arc de Triomphe. Je crois que tout le monde retiendra cette image de la tête de la statue de Marianne, fracassée par des vandales, le visage à moitié emporté par les coups des casseurs. Avec les manifestations et les bagarres de rue, c’est cette destruction symbolique qui marquera durablement l’affaiblissement de la République et la crise de la Macronie.

Cette crise des "gilets jaunes", la plus grave depuis Mai 68, avait pourtant démarré depuis quelques semaines bien loin de l’Arc de Triomphe, sur les ronds-points de la France provinciale.

Mais personne ne l’a vue grossir…

C’est vrai. En tout cas, le gouvernement l’a totalement sous-évaluée. A l’origine, c’est un puissant sentiment de ras-le-bol fiscal qui s’exprime d’abord au travers de vidéos postées sur les réseaux sociaux. Quelques figures émergent, le gilet jaune devient l’emblème de ralliement de tous ces mécontents, la grogne s’étend, mais le pouvoir reste inflexible : il maintient la hausse des taxes sur les carburants, alors que le prix du pétrole est à ce moment-là très élevé.

et le mouvement enfle.

Oui et progressivement, il échappe à tout. De ras-le-bol fiscal, il se transforme en contestation tous azimuts, totalement inorganisée, et de ce fait immaîtrisable. Tout y passe : l’arrogance du pouvoir, la coupure entre les élites et le peuple, le pouvoir d’achat et les fins de mois, la vitesse sur les routes, tout, y compris une demande de révocation, de destitution par référendum du Président de la République, Emmanuel Macron. Et ce qu’on voit est stupéfiant : le pouvoir semble incapable de reprendre la main, pendant des semaines. Toutes ses initiatives font flop, rien ne semble satisfaire les Gilets jaunes qui en demandent toujours plus…

Il faudra plusieurs discours du chef de l’Etat et de son Premier ministre pour réussir à inverser la tendance et à faire se lever les barrages de centaines de ronds-points un peu partout en France.

Plusieurs discours et un recul du pouvoir.

Oui, et ce recul, c’est l’annulation des hausses de taxes qui avaient engendré la colère, plus un coup de pouce au pouvoir d’achat et quelques baisses de la fiscalité comme la CSG. Le pire de 2018, cette crise très profonde de la société française, a donc probablement fait comprendre à la majorité (mais aussi espérons-le à l’opposition) que le pays suffoquait sous les impôts et les taxes, et qu’il fallait enfin inverser le mouvement. 

Cette crise aura sûrement coûté cher à l’économie française en termes de croissance, elle aura conduit le gouvernement à ouvrir les vannes de la dépense publique, mais une chose est sûre : chaque fois que le gouvernement ou le parlement proposera une nouvelle taxe, un nouvel impôt, il faudra qu’il ait présent à l’esprit cette image de l’Arc de Triomphe, et cette Marianne au visage défoncé.