Déficit budgétaire : "Il faudrait augmenter de 33% les impôts ou couper un euro sur quatre de dépense" pour un retour à l'équilibre

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Chaque samedi et dimanche, Nicolas Beytout, directeur du journal "L'Opinion", donne son avis sur l'actualité de la semaine.

Bonjour Nicolas, vous n’avez pas aimé cette semaine le vote de la loi de Finances, autrement dit le budget pour l’année 2019.

Exactement. Vous le savez, on dit que le vote du budget est l’acte politique le plus important de l’année, pour un gouvernement. Cette loi est effectivement la colonne vertébrale de toute l’action publique, c’est elle qui prévoit les sommes qui seront mises à disposition de tel ou tel ministère, et qui arrête évidemment le montant des impôts. Dépenses d’un côté, impôts de l’autre, le solde, pour nous, c’est le fameux déficit budgétaire.

Et cette année 2019, il se montera à ?

Cent milliards d’euros, et même un peu plus, pas loin de 110 milliards. La France va franchir cette année un seuil symbolique, seuil qu’il faut replacer dans le temps pour bien comprendre tout ce que ça signifie. En 2017, année où Emmanuel Macron arrive au pouvoir, le déficit budgétaire était de 60 milliards. En 2018, nous finirons à 80 milliards, et cette dérive va donc s’accélérer avec 30 milliards de déficit supplémentaire l’an prochain.

Un effet "gilets jaunes" je suppose ?

Oui, bien sûr : les 10 milliards de baisses d’impôts ou de dépenses lâchés par Emmanuel Macron vont aller directement dans le trou budgétaire. Alors, bien sûr, l’Etat va faire des efforts de gestion, va réduire quelques budgets. Mais au total, (et ce chiffre est absolument invraisemblable), la dépense publique en France va bondir de 50 milliards d’euros l’an prochain.

Par conséquent, on peut facilement prévoir que la dette de la France va augmenter ?

Absolument, et elle va inévitablement franchir la barre, là encore symbolique, des 100% par rapport à notre création de richesses, notre PIB, comme on dit. Vous voyez, les chiffres sont simples à mémoriser : 10 milliards de mesures "gilets jaunes", 50 milliards de dépenses supplémentaires, 100 milliards de déficit et 100% de dette.

C’est spectaculaire, en effet.

Oui, mais c’est en fait la façon la plus favorable de présenter les comptes de la France. Vous connaissez, bien sûr, la fameuse règle des 3% de déficit public. Et vous savez également que, tel que c’est parti, la France sera le seul pays de la zone euro à dépasser cette limite l’an prochain. Vous le savez, et comme la plupart d’entre nous, nous y sommes en quelque sorte habitués. Et bien, regardons les choses sous un angle différent. On vient de le dire, le déficit budgétaire va dépasser les 100 milliards. Grosso modo, les dépenses de l’Etat vont frôler les 400 milliards, et les recettes (les rentrées d’impôts et de taxes) les 300 milliards.

Mais si on met tous ces chiffres en relation (100 de déficit sur 400 de dépenses), ça veut dire que le déficit budgétaire se monte à 25%. Ça veut dire qu’il faudrait augmenter de 33% les impôts ou couper un euro sur quatre de dépense. C’est vertigineux. Est-ce que vous connaissez un seul ménage, une seule entreprise qui peut tenir longtemps comme ça ? Évidemment non. Alors, oubliez le totem des 3%, on s’est tellement habitués à le piétiner. Et mettons-nous en tête que le déficit de l’Etat, il n’est pas de 3%, il est de 25%. Joyeux Noël quand même !