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Chaque samedi et dimanche, Nicolas Beytout, directeur du journal "L'Opinion", donne son avis sur l'actualité de la semaine.

Bonjour Nicolas, ce samedi vous revenez sur une actualité économique qui vous a plu. Et ce samedi, vous avez aimé la passe d’armes qui a opposé le patronat à Emmanuel Macron.

Oui, et qui avait commencé il y a des semaines, mais qui a atteint un pic cette semaine. Le sujet : le bonus-malus que le Président de la République veut imposer aux entreprises qui ont recours à des CDD. Quelques secteurs et un certain nombre d’entreprises font un usage systématique de CDD de très courte durée (parfois même 1 jour), et il revient à l’assurance-chômage de prendre en charge dans l’intervalle les salariés concernés. On voit bien à quels excès ça peut conduire.

Et l’idée, c’est d’imposer un système du genre bonus-malus dans l’automobile : plus il y a de prise en charge de réparation pour cause d’accident, plus l’assuré paye un malus. Eh bien dans l’entreprise, plus il y a recours aux contrats courts (et donc plus le salarié a besoin d’une indemnisation chômage entre ses contrats) plus le malus est élevé. Le prix Nobel d’Economie français, Jean Tirole, est d’ailleurs un fervent défenseur de ce principe. Et Emmanuel Macron a annoncé, au cours d’un de ses grands débats, que ce bonus-malus serait imposé aux entreprises. Or, le patronat et les syndicats sont actuellement en pleine négociation.

Sur l’assurance-chômage justement

Exactement. Imaginez un peu la scène : le patronat a toujours dit que ce bonus-malus était une ligne rouge, qu’il y avait d’autres moyens de lutter contre les abus de CDD, et en pleine négociation, l’Etat impose le résultat. Le Medef et la CPME en ont immédiatement tiré la conclusion que la discussion avec les syndicats était devenue inutile. Fin du dialogue social.

Ce qui tombait mal alors que le chef de l’Etat dépense beaucoup d’énergie pour au contraire vanter le dialogue et l’écoute des Français.

Absolument. Alors je suppose qu’il s’en est rendu compte, puisque très vite, le Premier ministre a été envoyé pour corriger le tir, apaiser l’aigreur des patrons et les remettre dans le jeu. Bon, c’est fait : normalement, les négociations sur l’assurance-chômage devraient reprendre, et peut-être qu’on aboutira à un régime qui limite effectivement les abus de CDD. Car, et c’est ce qui est navrant dans ce dossier, la cause est bonne. Il y a trop de contrats courts, et beaucoup de chefs d’entreprises le reconnaissent, et le Medef a des propositions pour corriger ça. Mais le pouvoir a très mal géré ce dossier…
En somme l’idée était bonne, mais la réalisation a été mauvaise ?

C’est exactement ça. C’est d’ailleurs un problème assez courant, avec le gouvernement. Je vous donne un autre exemple, sur un sujet très en vogue actuellement : la taxe Gafa. Bien sûr les Gafa doivent payer des impôts en France ; bien sûr il faut mettre fin à cette espèce de nomadisme fiscal. Et donc la France, exaspérée par les lenteurs de ses voisins européens, a lancé toute seule l’idée d’une taxe sur l’activité de ces géants. Bonne idée, et bonne initiative politique.

Mais la réalisation ?

La réalisation est bancale. L’idée de Bercy, c’est une taxe sur le chiffre d’affaires. Qui va toucher toutes les entreprises du secteur, y compris celles qui (elles) payent déjà des impôts, y compris les boîtes françaises, fragiles, qui pour beaucoup sont petites et parfois perdent de l’argent parce qu’elles se battent contre ces géants planétaires. Vous pensez, une taxe sur le chiffre d’affaires, ça va à peine chatouiller les Gafa, mais ça fera mal à tous les autres. Voilà, c’est typique : bonne idée, mauvaise application.