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Chaque samedi et dimanche, Nicolas Beytout, directeur du journal "L'Opinion", donne son avis sur l'actualité de la semaine.

Vous n’avez pas aimé cette semaine l’annonce d’un gros coup de frein des économies européennes.

Effectivement, et c’est en Allemagne que ce phénomène est le plus spectaculaire. Alors que ce pays avait connu 9 années de croissance ininterrompue, on vient d’apprendre que son économie était désormais pratiquement à l’arrêt. C’est dans la deuxième partie de l’année 2018 que ce ralentissement s’est fait sentir. Cet été, l’économie allemande a même reculé, et elle n’a finalement évité que de justesse la récession à l’automne dernier. Au total, la croissance aura été d’environ 1,5% l’an dernier, mais ce chiffre honorable est une moyenne. Et la réalité actuelle est franchement inquiétante…

Et comme l’Allemagne est le pays le plus puissant d’Europe, je suppose que cette contre-performance tire tout le monde vers le bas.

Absolument. Puisque nos économies sont totalement imbriquées (et on le voit en ce moment avec le Brexit et le chaos que provoque la rupture des liens des Britanniques avec le reste de l’Europe), ce qui affecte un pays se répercute sur les autres. Et chacun subit et nourrit en même temps et la tendance des autres. C’est un cycle négatif qui touche donc toute l’Europe. On voit la production industrielle tomber en Espagne, en Italie, en Grande-Bretagne, exactement comme en Allemagne.

Et en France, bien sûr…

Oui, bien sûr, nous n’y échappons pas. L’Allemagne est notre premier client et premier fournisseur. Impossible de rester à l’écart, et notre production industrielle a elle aussi lourdement chuté.

Et on connaît les causes de ce coup d’arrêt ?

Disons qu’il y a des causes communes à tous les pays : on est en haut d’un cycle, comme on dit en économie. L’économie, ce n’est pas statique. La croissance, par définition, c’est un mouvement. Et ce mouvement n’est pas linéaire. Il y a des ondes, parfois très faibles, parfois très fortes. En Allemagne, l’onde a été forte et positive pendant 9 ans, je l’ai dit, et bien, on amorce un reflux de l’onde, comme une marée descendante.

Et puis, il y a des causes particulières à chaque pays. En Allemagne, royaume de l’industrie automobile, les nouvelles normes environnementales ont causé beaucoup de problèmes de production. En France, ce sont les "gilets jaunes", dont l’action de long terme a mis une claque à l’économie.

Et bien sûr, si toutes les économies sont interconnectées, ça signifie que ça ralentit aussi ailleurs qu’en Europe ?

Absolument. C’est en Chine que ça se voit le plus : cette économie ne devrait croître que de 6,5% cette année, ce qui est une mauvaise performance. Pour sortir de la pauvreté des centaines de millions de Chinois, pour se développer, pour financer la construction de routes, de villes, d’équipements, ce pays a besoin de plus de croissance. Or, il encaisse plusieurs difficultés. D’abord le marché auto, qui là aussi ralentit très fortement (on passe d’un marché de premier achat à un marché en partie de renouvellement, et c’est moins porteur). Et puis il y a la guerre commerciale lancée par Donald Trump.

Et justement, les États-Unis eux aussi ralentissent ?

Pas encore, non : Trump a pris beaucoup de mesures fiscales qui dopent l’économie américaine. Mais il ne faut pas se faire d’illusion : en promettant de fermer son marché et de mettre en place des barrières douanières, il met tout droit l’économie de son pays en danger de croissance.