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SAISON 2020 - 2021, modifié à

A peine le corps du jeune Louis XVII est-il jeté dans la fosse commune qu’on signale sa présence dans plusieurs régions de France. Dans ce nouvel épisode du podcast Europe 1 studio "Au cœur de l’Histoire", Jean des Cars achève son récit sur les mystères qui entourent la mort du fils de Louis XVI et Marie-Antoinette. 

Plusieurs jeunes hommes, dont certains particulièrement convaincants, se font passer pour Louis XVII… Seul l’ADN permettra de résoudre l’énigme de sa mort. Dans ce nouvel épisode du podcast Europe 1 studio "Au cœur de l’Histoire", Jean des Cars ​raconte comment les faussaires se faisant passer pour le petit monarque ont été discrédités. 

 

Episode 1 - Les derniers jours

Episode 2 - Le mystère Louis XVII

 

Retrouvez la deuxième partie de l'épisode en audio sur YouTube.

A peine Louis XVII est-il jeté dans la fosse commune qu’on signale sa présence, vivant, dans plusieurs endroits de France : au Havre, à Pithiviers, à Orléans et en Auvergne. Un an après sa mort, on compte déjà quatre faux dauphins ! Au cours des décennies suivantes, on en dénombrera une centaine ! Tous prétendent s’être évadés du Temple. La mort horrible et désastreuse du petit Louis XVII ne satisfait pas les esprits. On échafaude mille hypothèses. N’y aurait-il pas eu une substitution d’enfant ? Dans ce cas, le petit prince se serait évadé, il vivrait. C’est une sorte de fantasme collectif qui a touché nombre d’historiens, farouches défenseurs de cette thèse de la substitution. 

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On peut signaler quelques-uns de ces faux dauphins : Jean-Marie Hervagault, officiellement né le 10 septembre 1781 à Saint-Lô, de René Hervagault, tailleur. On lui donnait pour père le fils aîné du prince de Monaco, le futur Honoré IV. Il raconte de façon très crédible son évasion du Temple. Fouché le fera arrêter pour escroquerie, la supercherie ne durera pas longtemps car son père le reconnaît. Il y aura aussi un certain Mathurin Bruneau, né en Vendée, près de Cholet, en 1784. Il sera finalement, lui aussi, condamné pour escroquerie et finira sa vie en 1822, dans la prison du Mont Saint-Michel, totalement discrédité. Dans l’ensemble, ces escrocs sont assez pitoyables…  

Le plus connu des prétendants : Naundorff

Celui qui a tenu le plus longtemps, jusqu’à sa mort et même au-delà, est Carl Wilhelm Naundorff. Sa force de conviction et son charisme ont su résister à l’épreuve du temps. Ce personnage étrange apparaît à Berlin en 1810. Il a 25 ans et il est horloger. On ne sait pas d’où il vient. On le verra en Allemagne pendant plusieurs années. Il est compromis dans une affaire de fausse monnaie mais pour la première fois, il revendique sa condition de prince.

Il arrive à Paris en 1833, parlant à peine le français mais il est habile et il parvient à se faire reconnaître par quelques vieux courtisans et serviteurs de Versailles. Il fait beaucoup parler de lui, se prétend victime d’une tentative d’assassinat et intente un procès à la famille royale. Louis-Philippe, exaspéré, l’expulse vers l’Angleterre. Il va vivre à Londres pendant neuf ans. Il y publiera l’ultime version de ses Mémoires et distribuera des titres de noblesse tout en émettant des prophéties qui ne se réaliseront pas.

En revanche, il fait des découvertes assez sérieuses dans le domaine de la pyrotechnie mais les Anglais ne s’y intéressent pas. Il se rend alors au Pays-Bas où le gouvernement lui achètera son invention. Il meurt à Delft le 10 août 1845. Sur sa tombe, au cimetière de Delft, on peut lire encore aujourd’hui : "Ici repose Louis XVII, Roi de France et de Navarre, né à Versailles le 26 mars 1785, décédé à Delft le 1er août 1845".

Plus tard, comme pour la future prétendue grande-duchesse Anastasia, il y aura des Naundorffistes convaincus par ses souvenirs si précis et ses particularités physiques : il avait sur la lèvre une cicatrice qu’avait aussi Louis XVII : petit, le prince avait été mordu par son lapin ! En Hollande, les descendants de Naundorff ont obtenu le droit de s’appeler Bourbon. Ce n’était pas le cas en France : il y a encore une décision de justice en 1954 interdisant à des prétendants illégitimes de porter le patronyme de Bourbon.

L’ADN disqualifie Naundorff

Les nouvelles techniques scientifiques, en l’occurrence la méthode de comparaison des empreintes génétiques à la fin du XXe siècle, vont permettre de résoudre nombre d’affaires criminelles mais aussi des énigmes historiques. Le 8 juin 1995, le jour même du centenaire de la mort de Louis XVII, le professeur néerlandais Hans Petrie, décide de soumettre les restes de Naundorff à une recherche ADN. Il est convaincu que Louis XVII est mort au Temple et veut le prouver.

Une exhumation de Naundorff en 1950 avait permis de prélever des fragments d’humérus conservés par le laboratoire de police de Rijswijk, aux Pays-Bas. Avec l’autorisation des descendants canadiens de Naundorff, il obtient d’examiner quelques-uns de ses cheveux déposés aux Archives Municipales de Delft. Il va les confronter à l’ADN des cheveux de deux des filles de l’impératrice Marie-Thérèse, grand-mère de Louis XVII et mère de Marie-Antoinette. On y ajoute quelques cheveux de la reine Anne de Roumanie, née Bourbon-Parme, ainsi que de son frère André. La sentence tombe le 2 juin 1998 : elle disqualifie totalement Naundorff. Il n’y aucun rapport génétique entre lui et la famille de Louis XVII, ni du côté Habsbourg, ni du côté Bourbon. Il ne peut donc être le petit roi.

Mais si Naundorff n’est pas Louis XVII, on n’a toujours pas la preuve de la mort de l’enfant au Temple. Les investigations ordonnées par son oncle le roi Louis XVIII pour retrouver son corps au cimetière Sainte Marguerite n’avaient pas abouti. Plus tard, Louis-Philippe en avait fait exhumer plusieurs squelettes mais ils étaient impossibles à identifier.

Le seul espoir de résoudre l’énigme est de retrouver le cœur de Louis XVII, subtilisé lors de l’autopsie par le docteur Pelletan qui l’avait conservé dans un flacon de cristal rempli d’esprit de vin… 

On a retrouvé le cœur de Louis XVII !

Nous avions donc laissé le cœur de Louis XVII derrière les livres de la bibliothèque du docteur Pelletan. Le temps passant, il le range dans l’un des tiroirs de son bureau. Il y est subtilisé par l’un de ses élèves à qui il avait raconté l’histoire mais avant de mourir, ce voleur le restitue au docteur.

A l’avènement de Louis XVIII, Pelletan entre en contact avec Marie-Thérèse, la sœur de Louis XVII, devenue duchesse d’Angoulême en épousant son cousin germain, Louis-Antoine d’Artois, fils de Charles X. Il faut attendre le 23 mai 1828 pour que ce-dernier ordonne que le cœur conservé par Pelletan soit confié à l’archevêque de Paris qui le reçoit comme "un dépôt sacré" et promet de le remettre ensuite au roi, frère de Louis XVI et donc oncle de Louis XVII. 

Pelletan meurt l’année suivante. Le cœur est toujours au palais de l’archevêché, près de Notre-Dame. Hélas, pendant la Révolution des Trois Glorieuses en 1830, il est pillé. Un ouvrier imprimeur, Benjamin Lescroart s’empare de l’organe et des papiers certifiant son authenticité. Il veut les sauver et les apporter à un fils du docteur Pelletan, Philippe Gabriel qu’il connaît. Mais un  émeutier tente de lui prendre de ce butin. D’un coup, de sabre, il brise le vase. Lescroart s’enfuit seulement avec les documents.

Une semaine plus tard, après avoir prévenu le fils Pelletan, tous deux reviennent à l’endroit où l’urne avait été brisée et finissent par dénicher le cœur desséché, enfoui dans un tas de sable. Le fils du docteur le replace dans une urne de cristal fleurdelisée, semblable à celle qui avait été brisée. Il va la garder en sa possession jusqu'à sa mort, en 1879.

De succession en succession, cette relique gagnera Venise avant de se retrouver dans la chapelle du château de Frohsdorf, près de Vienne, qui avait été la résidence du comte de Chambord, petit-fils du roi Charles X. A la veille de la Deuxième Guerre Mondiale, la princesse Massimo, fille du duc de Madrid, Bourbon et prétendant carliste au Trône de France,  emporte le cœur en Italie et décide avec ses sœurs de le donner le 10 avril 1975 au duc de Bauffremont, Président du Mémorial de France à Saint-Denis, pour qu’il soit conservé dans la nécropole des rois de France.

L’historien Philippe Delorme, très impressionné par l’analyse ADN qui avait définitivement démasqué Naundorff, propose alors au duc d’en faire pratiquer une nouvelle sur le cœur desséché de Louis XVII. Il s’agit de mettre définitivement fin aux soupçons de substitution. En effet, une grande partie des historiens s’intéressant à cette question considéraient que l’enfant autopsié et enterré au cimetière de Sainte Marguerite n’était pas Louis XVII. Ils pensaient que le jeune prince était mort plus tôt, que ses gardiens, terrifiés, l’avaient enterré secrètement dans l’enclos du Temple puis l’avaient remplacé par un autre enfant qu’ils auraient lentement empoisonné avant de l’enterrer au cimetière Sainte Marguerite.

Le 15 décembre 1999, à l’initiative de Philippe Delorme et avec l’accord du duc de Bauffremont, un prélèvement est pratiqué sur le cœur desséché par le professeur Jean-Jacques Cassiman, généticien de l’université de Louvain, en Belgique. Il est assisté d’un collège allemand de l’université de Munster. Ils vont comparer les séquences de son ADN à celles de Marie-Antoinette et de la reine Anne de Roumanie, née Bourbon Parme. La conclusion est sans appel. Elle est révélée le 19 avril 2008 lors d’une conférence de presse au Musée d’Histoire de la médecine de Paris. L’information sera répercutée dans le monde entier. L’ADN du cœur retrouvé montre une parenté plus que probable entre les différents codes génétiques examinés. Pourtant, les partisans de la substitution ne sont pas encore convaincus… 

Est-ce le cœur de Louis XVII ou celui de son frère aîné ?

En effet, le seul cœur qui aurait pu être substitué à celui de Louis XVII pendant cette longue période est celui de son frère, le premier dauphin, mort, on s’en souvient, le 4 juin 1789 à Meudon, lui aussi de tuberculose osseuse. Selon les rites de la monarchie française, son cœur avait été déposé dans une double boîte de vermeil et de plomb dans la crypte de la chapelle Sainte-Anne du Val-de-Grâce, selon une tradition qui remontait à Anne d’Autriche. 

Mais le cœur du malheureux dauphin avait été embaumé, c'est-à-dire lavé puis rempli d’herbes et d’aromates avant d’être emmailloté dans des bandelettes. Or, le cœur desséché de l’enfant du Temple n’avait pas subi ce traitement. Il avait simplement été trempé dans l’alcool et il ne comporte aucune trace d’herbes ni d’aromates. D’autre part, le docteur Pelletan  avait signalé, dans le rapport d’autopsie, qu’un fragment d’aorte de 2 cm sortait du cœur. Et ce fragment d’aorte est présent sur le cœur desséché. Il n’y a donc aucune possibilité de confusion entre le cœur du premier dauphin et celui de Louis XVII. 

On n’a jamais retrouvé le cœur du premier dauphin car à la fin de 1792, la crypte du Val-de-Grâce a été profanée. Tous les cœurs qui y reposaient gisaient sur le pavé de la chapelle funéraire, dépouillés de leurs enveloppes d’or et d’argent. On a seulement retrouvé la plaque gravée qui recouvrait la boîte avec la mention : "Louis Joseph, mort à Meudon, le 4 juin 1789".

Quant au cœur lui-même, il avait été retrouvé avant d’être définitivement perdu. Après l’identification du cœur de Louis XVII et l’assurance que c’était bien le sien et non celui de son frère, le ministère de la Culture est consulté en 2004 sur l’opportunité de remettre solennellement la relique à Saint-Denis. C’est le professeur Jean Tulard, consulté par le ministère, qui va émettre un avis favorable.

L’année suivante, il précise dans son ouvrage "Les Thermidoriens" :

" Mais le cœur qui a été soumis à l’analyse de l’ADN ne montrait pas de trace d’embaumement ni d’un traitement respectueux de la personnalité du dauphin. On peut donc penser, si l’on fait confiance à l’analyse ADN, reconnue par la Justice, que Louis-Charles est bien mort au Temple le 8 juin 1795. "

Le 8 juin 2004, deux cents neuf années après sa mort, l’urne funéraire contenant le coeur de Louis-Charles a été placée à Saint-Denis, dans la chapelle des Bourbon, lors d’une cérémonie présidée par Louis Alphonse de Bourbon, en présence de plusieurs archiducs et de descendants des Rois de France. L’ADN a permis d’élucider une énigme vieille de deux siècles mais on peut laisser Chateaubriand conclure sur le terrible destin de Louis XVII, brisé physiquement et moralement, mort après trois ans de captivité :

" Que ses souffrances ont dû rendre ses jours lents à couler, et que son règne a été long par la douleur ! Jamais vieux roi, courbé sous les ennuis du trône, a-t-il porté un sceptre aussi lourd… "

"Au cœur de l’Histoire" est un podcast Europe 1 Studio

Auteur et présentation : Jean des Cars
Production : Timothée Magot
Réalisation : Jean-François Bussière  
Diffusion et édition : Clémence Olivier et Salomé Journo 
Graphisme : Karelle Villais

 

Ressources bibliographiques :

Philippe Delorme, Les princes du malheur (Perrin, 2008)

Philippe Delorme, Le retour du dauphin perdu, dans Les énigmes de l’histoire de France, sous la direction de Jean-Christian Petitfils (Perrin/Le Figaro Histoire, 2018)