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SAISON 2020 - 2021

Au XVIIe siècle, un homme de l’ombre, le père Joseph, s'est imposé comme le plus proche conseiller du cardinal de Richelieu. Dans ce nouvel épisode du podcast Europe 1 Studio "Au cœur de l'Histoire", Jean des Cars vous raconte comment ce capucin très discret a mis son talent au service du principal ministre du roi Louis XIII, et donc de la France. 

Au début du XVIIe siècle, le père Joseph aide Richelieu à réconcilier le roi Louis XIII avec sa mère, Marie de Médicis. Pourtant, la Reine mère se méfie de plus en plus du cardinal, au point qu’elle cherchera à le déstabiliser lors de la journée dite "des dupes". Dans ce nouvel épisode du podcast Europe 1 Studio "Au cœur de l'histoire", Jean des Cars vous raconte comment le ministre, et son conseiller de l’ombre, le père Joseph, ont réussi à se maintenir au sommet du pouvoir malgré les pressions de leurs ennemis. 

Soutenu par le père Joseph, Richelieu va atteindre le sommet du pouvoir

Malgré le soutien du père Joseph, Richelieu aura bien du mal à réconcilier le roi et sa mère. Dans un premier temps, il obtient que la Reine mère signe la Paix d'Angoulême en 1619, qui lui accorde le gouvernement de l’Anjou. Mais Marie de Médicis refuse toujours de rentrer à Paris. C’est uniquement après la victoire aux Ponts-de-Cé, sur la Loire, et le traité d’Angers de 1620 confirmant le précédent accord, qu’elle accepte de regagner Paris. Pour récompense de ses loyaux services, le roi Louis XIII offre à Richelieu le chapeau de cardinal, avec l’aval du Saint-Siège. Marie de Médicis a fait sa rentrée au Conseil mais le roi se méfie toujours un peu de Richelieu, trop proche de sa mère. Là encore, le père Joseph va s’activer. Et le 28 avril 1624, le cardinal entre à nouveau au Conseil. Le lendemain, le roi dira à sa mère : "J’ai choisi un de vos serviteurs pour montrer que notre réconciliation est réelle et définitive."

En 1625, Richelieu envoie le père Joseph à Rome afin qu’il y soit son agent personnel. Il devient son ami le plus proche. Le cardinal met alors en place son système de collaborateurs remarquables qui fait l’admiration des ambassadeurs étrangers, notamment ceux de Venise. Désormais, le père Joseph devient l'Éminence grise. C’est le cardinal qui l’a ainsi nommé. Mais en italien, c’est "tenebroso cavernoso". Le capucin devient, en quelque sorte, le gardien des secrets… 

À cette époque, Richelieu rêve de dompter ses adversaires, les nobles et les protestants. Pour assagir la noblesse, il va interdire les duels en 1626. Sur le front des réformés, après  bien des efforts diplomatiques, le cardinal obtient que la Vallée de la Valteline, en Suisse, aux mains des Grisons protestants, reste sous le contrôle des troupes pontificales qui l’occupent alors. Cela peut sembler une petite affaire sans importance mais c’est, en fait, un succès pour les catholiques en général, et pour le parti des dévots en France. Les protestants de France, dirigées par Rohan, se sentant menacés, ils décident de solliciter le roi Charles 1er d’Angleterre. Ce souverain va alors constituer une puissante base anglaise dans le triangle La Rochelle-Ile-de-Ré-Ile d’Oléron, qui va contraindre Richelieu à une intervention militaire, terrestre et navale. 

Le siège de la Rochelle

Outre le soutien aux protestants français, le roi d’Angleterre a une autre raison d’intervenir contre le roi de France, comme le rappelle l’historien Jean-Christian Petitfils : "C’était la volonté de Richelieu de créer une flotte, de développer des compagnies de commerce à monopoles et de conquérir des bases coloniales. Le père Joseph lui avait communiqué de nombreux renseignements sur les mers lointaines et les possibilités de négoce avec les contrées d’Afrique, d’Amérique et d’Asie, grâce aux comptes-rendus des missionnaires capucins."

Pour Charles 1er et pour l’Angleterre qui voulait maintenir sa première place sur les mers, ce projet était insupportable !

Le 20 juillet 1627, le grand amiral de la flotte anglaise, le duc de Buckingham, débarque sur l'Île de Ré et s’en empare. Le 10 septembre, La Rochelle bascule dans la rébellion. Richelieu décide d’intervenir. Avant de s’occuper de La Rochelle, il faut dégager les Anglais de l'Île de Ré. Cela est fait dans la nuit du 7 au 8 octobre, grâce aux 830 Mousquetaires et fantassins de Monsieur de Sourdis. Après quoi, il fait débarquer sur l'île un corps de 6 000 hommes pour la défendre. 

Louis XIII décide de se rendre lui-même à La Rochelle. Il arrive le 12 octobre devant la ville assiégée. Il s’installe au manoir des Réaux, au village d’Aytré, à une lieue au Sud-Est de la ville. Richelieu, lui, s’installe au château de Pont-de-la-Pierre, un peu plus au sud. Le père Joseph et ses proches collaborateurs occupent l’un des pavillons du jardin. 

Le cardinal fait construire une digue de 16 mètres de large et 8 de haut, longue d’un kilomètre et demi, devant le port de La Rochelle. En son centre, un chenal, d’une soixantaine de mètres, laisse passer la marée. Dans le chenal, on a  coulé deux cents vaisseaux pour rendre le port inaccessible et interdire le ravitaillement des insurgés par les Anglais.

Le roi est fatigué, il quitte La Rochelle le 10 février 1628, le siège est trop long. Il sera pourtant de retour à Aytré le 17 avril. Le 26 octobre suivant, les membres du Conseil de La Rochelle, épuisés physiquement et moralement, décident de se rendre sans condition et d’implorer le pardon du roi. 

Quel sort réserver aux rebelles ? Le cardinal préconise la clémence car la victoire est totale et la ville à genoux : Louis XIII peut se montrer généreux. Les Rochelais gardent la vie sauve, leurs biens et leur culte protestant, mais la cité perd ses franchises ancestrales qui lui avaient été confirmées par l'Édit de Nantes. Les murailles seront détruites, exceptées les deux superbes tours qui encadrent l’entrée du port. 

De ce siège, c’est le XIXe siècle qui a laissé l’image la plus frappante : le tableau s’intitule "Richelieu sur la digue de la Rochelle". Il est d’Henri Motte et date de 1881. On y voit le cardinal, droit dans ses superbes bottes, manteau rouge jeté sur sa cuirasse étincelante, observant les combats. Un peu en arrière, un groupe de moines capucins observe la scène. Parmi eux, bien entendu, le père Joseph. Le plus jeune, à l’arrière, tient dans sa main le chapeau écarlate du cardinal. Cette victoire va convaincre Louis XIII qu’il a trouvé en Richelieu un ministre dévoué et irremplaçable.

Les enjeux de "la journée des dupes"

C’est juste après le siège de La Rochelle que se situe l’épisode que je vous ai raconté : la guerre en Italie pour donner Mantoue au duc de Nevers, la très grave maladie du roi, la peur de Richelieu d’être disgracié et la seule faute du Père Joseph avec la signature de la paix de Ratisbonne en 1630. Richelieu a, certes, gagné la confiance de Louis XIII, mais il sait qu’autour de lui, beaucoup le jalousent et rêvent de sa chute. Le cardinal est un grand inquiet, un grand nerveux dont la santé va commencer à se dégrader.

Ses principaux ennemis appartiennent tous au parti catholique. Parmi eux se trouvent le turbulent frère du roi, Gaston d’Orléans, toujours en rébellion, le garde des Sceaux, Michel de Marillac, la propre épouse du roi, Anne d’Autriche et Marie de Médicis qui, depuis quelque temps, se sent menacée par l'influence de Richelieu. Cette volonté de se débarrasser du cardinal va se concrétiser dans un épisode que l’on appelle soit "la journée des dupes", soit, parfois, "le grand orage de la cour". Bien entendu, le père Joseph est au courant. Mais que faire contre l’épouse, le frère et la mère du roi ? 

En ce qui concerne le frère, l’avant-veille de cette fameuse journée, le samedi 9 novembre 1630, tout semble arrangé avec lui. Louis XIII réconcilie Gaston avec le cardinal. ce dernier n’en pense pas moins, mais tout de même, le cardinal est sûr d’avoir la confiance du roi. 

La veille, dimanche 10, c’est jour de Conseil. On y traite de questions militaires. En fin d’après-midi, la Reine mère, Marie de Médicis entre dans une colère épouvantable. Elle se déchaîne, en sa présence, contre Richelieu. Elle le traite "d’ingrat de fourbe, de perfide". Elle n’a aucune confiance en lui. Le roi semble surpris et choqué. Le cardinal s’en va, Louis XIII lui emboîte le pas, non sans avoir fait de vifs reproches à sa mère. Le lundi 11 au matin, il va la voir au Luxembourg. Elle lui réclame la disgrâce complète de Richelieu. Arrive le cardinal. La Reine mère est encore plus virulente que la veille, déversant un tombereau d’injures sur lui, elle dit à son fils qu’elle ne mettra plus les pieds au Conseil tant que le cardinal y siègera. C’est elle ou lui ! Profondément bouleversé et ému, Richelieu répond qu’il n’a plus qu’à partir, et il s’en va.

Il va passer la journée la plus horrible de sa vie. En début d’après-midi, Louis XIII doit partir vers son relais de chasse de Versailles mais avant qu’il ne s’en aille, il aurait  glissé au cardinal de le suivre. Richelieu s’exécute. Le roi l’accueille très aimablement dans son cabinet. Le cardinal joue son va-tout. Il propose à nouveau sa démission. Le souverain la refuse, le priant de rester et de continuer à "tenir le timon des affaires, car telle est [son] irrévocable décision". 

Il a décidé de punir les responsables de cette cabale. Le garde des Sceaux, Michel de Marillac, est prié de rendre le coffret contenant les Sceaux de France. Il sera emprisonné dans la forteresse de Châteaudun où il mourra deux ans plus tard. Gaston, le frère du roi, s’installe à Nancy. La Reine mère quittera la France l’année suivante. Sur l’invitation du roi d’Espagne, elle se rendra à Mons, aux Pays-Bas espagnols, où elle sera somptueusement accueillie. Quant à Richelieu, il est évidemment maintenu dans ses pouvoirs et ses domaines sont érigés en duché-pairie.

Richelieu, un ministre tout puissant

Maintenant, plus personne ne va oser s’attaquer à  Richelieu. Il est installé dans son palais cardinal, aujourd’hui une partie du Palais Royal, avec ses équipes. Auprès de lui, le père Joseph dirige toujours les lettres d’instructions aux ambassadeurs. Il a la haute main sur ce que nous appellerions aujourd’hui les services secrets. Il est également le conseiller politique et religieux de son ami.

Le cardinal se trouve à la tête d’une immense fortune, essentiellement un patrimoine foncier. Il fait construire, non loin de Châtellerault, dans la ville qui porte son nom, un château aujourd’hui disparu. Il contenait d’inestimables collections de peintures, et d’objets d’art  accumulées par le grand ministre.

Désormais, l’heure est plutôt à la guerre, la guerre de Trente Ans contre l'Espagne et contre l’Empereur. Elle s’achèvera après sa mort et celle du roi, par les traités de Westphalie, en 1648.

Dix ans plus tôt, en 1638, Richelieu est heureux d’obtenir de Louis XIII le chapeau de cardinal pour le père Joseph, qui ne l’avait pas sollicité. Malheureusement, le capucin meurt avant de l’avoir reçu. Pour Richelieu, c’est une immense tristesse. Il dira : "Je perds ma consolation, mon unique secours, mon confident et mon ami."

Malgré cette douleur, Richelieu se réjouira, avec la France entière, de la naissance du dauphin, le 5 septembre 1638. Louis XIII et Anne d’Autriche ont enfin un héritier, après vingt-trois ans de mariage. Un miracle ! C’est le futur Louis XIV. 

Richelieu s’éteint en 1642, un an avant la mort de Louis XIII. Son  tombeau se trouve dans la chapelle de la Sorbonne qu’il a faite construire. Il y avait été élève. En 1717, le tsar de Russie, Pierre le Grand, lors de sa visite en France, viendra s’y recueillir. Il dira, en s’adressant à l’illustre défunt : "Grand homme, je donnerais la moitié de mon royaume à un ministre tel que toi, pour qu’il m’apprenne à gouverner l’autre."

Le tsar oubliait le père Joseph sans qui, on peut le penser, Richelieu n’aurait peut-être pas été aussi grand…

 

Références bibliographiques :

Jean-Christian Petitfils, Louis XIII (Perrin,2008)

Arnaud Teyssier, Richelieu, l’Aigle et la Colombe (Perrin, 2014)

Richelieu, l’Art et le Pouvoir (Catalogue de l’Exposition du Musée des Beaux-Arts de Montréal, 2003)

 

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"Au cœur de l'histoire" est un podcast Europe 1 Studio

Auteur et présentation : Jean des Cars
Production  : Timothée Magot
Réalisation : Jean-François Bussière
Diffusion et édition : Clémence Olivier
Graphisme : Europe 1 Studio