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SAISON 2020 - 2021

C'est une française qui règne sur la baie de New-York depuis 134 ans… Dans ce nouvel épisode du podcast Europe 1 Studio "Au cœur de l'Histoire", Jean des Cars revient sur les différentes vies de la statue de la Liberté, le plus célèbre des symboles de l’amitié franco-américaine.

Inaugurée en 1886 à New-York, la statue de la Liberté ne tarde pas à devenir une icone abondamment récupérée et détournée. Dans ce nouvel épisode du podcast Europe 1 Studio "Au cœur de l'histoire", Jean des Cars vous raconte les nombreuses vies de Miss Liberty… 

L’entrée en guerre des Etats-Unis en 1917 au cri de "La Fayette, nous voici !" avait, comme on le sait, aidé la victoire alliée de 1918. Mais on ignore souvent qu’un mois avant l’armistice du 11 novembre, le 12 octobre 1918, une extraordinaire reconstitution de la statue eut lieu sur le terrain de manœuvre d’un camp d’instruction américain.  

Dans la vallée appelée la rivière des Moines, dans l’Etat de l’Iowa, au cœur des Etats-Unis, 18 000 officiers et soldats, tous en uniforme, s’alignèrent pour former l’image de la statue de la Liberté. Des milliers de mètres de ruban blanc délimitaient les contours exacts de l’œuvre de Bartholdi. Les lignes des doigts, de la coiffure, de la torche et les plis de la tunique furent mis en valeur par des files de combattants tous vêtus de blanc, les uns en chapeau, les autres nu-tête. Cet incroyable rassemblement était conçu pour être vu d’une tour sur laquelle étaient fixés des appareils photographiques et des caméras de cinéma.

Pour satisfaire aux exigences de la perspective et obtenir les proportions normales entre les diverses parties de la colossale statue humaine, on fut obligé d’augmenter, progressivement, de la base au sommet, les longueurs et les superficies, à la manière d’une anamorphose. Sur les 376 mètres de la hauteur totale, le corps, de la base à l’épaule, ne mesurait ainsi que 45 mètres tandis que la flamme de la torche s’allongeait sur 182 mètres et le pouce droit mesurait 10,60 mètres à lui seul ! 13 800 hommes au total s’entassaient dans le flambeau emblématique. Un hommage aussi spectaculaire qu’étrange à la statue de Bartholdi !

La statue de la liberté, star de cinéma

Ce n’était pas fini ! La société de production cinématographique Columbia, fondée en 1919, va détourner l’image de la statue pour créer son logo en 1934. C’est l’actrice Bette Davis qui, dit-on, incarne "Miss Liberty" avec quelques retouches : la couronne rayonnante est remplacée par une coiffe noire. Le drapé qui s’enroule autour de sa robe est le drapeau américain. Quant au flambeau, il est devenu un véritable feu d’artifice ! 

En 1939, le logo évolue : la version de la statue est plus proche de l’originale, rappelant la mythologie grecque. Le diadème est classique et peu visible. Elle ne se drape plus dans la bannière étoilée mais dans un simple châle bleu. Un pied nu apparaît dans les plis de la toge. Contrairement à Bette Davis, le visage du modèle qui l’incarne est impassible et le regard lointain. Cette nouvelle mouture est proposée avant le générique du célèbre film de Frank Capra "M. Smith au Sénat". Comme beaucoup de stars, la statue-logo a subi plusieurs liftings. La torche et le châle bleu persistent. On dit que l’actrice Deborah Kerr aurait été une autre de ses inspiratrices.

En 1963, la statue de la Liberté de la Columbia va être un peu bousculée. Pour la comédie "La souris qui rugissait", de Jack Arnold en 1959, avec Peter Sellers et Jean Seberg, Miss Liberty va avoir la frayeur de sa vie ! Le film est l’histoire d’un État microscopique d’Europe Centrale, le duché de Fenwick. Il déclare la guerre aux Etats-Unis. Ses archers médiévaux envahissent New-York en pleine alerte atomique ; la souris symbolise le petit Etat. Dans le générique, une souris arrive en trottinant aux pieds de la statue de la Liberté qui, terrorisée, retrousse ses jupes et s’enfuie en courant !

Pendant la Seconde Guerre Mondiale, Alfred Hitchcock est à Hollywood. Entre ses grands films romanesques et énigmatiques comme "Rebecca" en 1940, "Soupçons" en 1941, ou encore "L’ombre d’un doute" en 1943, il réalise aussi des films de propagande. En 1940, juste après "Rebecca", il tourne "Correspondant 17", une passionnante histoire d’espionnage, qui nous emmène de Londres aux Pays-Bas jusqu’au milieu de l’Atlantique. Les méchants sont évidemment des espions nazis. Le message est clair : Hitchcock demande aux Américains d’entrer en guerre aux côtés du Royaume-Uni. 

Dans "Cinquième Colonne", il montre que les saboteurs et les espions agissent à l’intérieur même des États-Unis, faisant sauter une usine d’armement et un barrage. Ils sont indécelables dans leurs activités dévastatrices grâce à des réseaux au-dessus de tout soupçon…

Le héros, qui, dès le premier attentat, a repéré le chef du réseau d’espions, le poursuit jusqu’à New-York où il s’apprête à faire sauter un navire. Acculé, l’agent ennemi saute dans un bateau transportant des touristes qui vont visiter la statue de la Liberté. Le héros le suit, ce qui permet des plans à l’intérieur même du monument. Toute la dramatique séquence finale se déroule à l’intérieur et à l’extérieur de la statue, reconstituée en studio. L’ultime combat se déroule dans et hors de la torche : tout un symbole ! La chute de l’espion ne peut qu’être mortelle. 

Et puis on ne saurait oublier la séquence finale du film "La Planète des Singes", en 1967, avec Charlton Heston. Lors d’un voyage interplanétaire, des astronautes se retrouvent dans un univers inconnu peuplé et gouverné par des singes. Faits prisonniers, ils parviennent à s’échapper. Ils se retrouvent sur une plage d’où émerge du sable une partie du flambeau et de la tête de la statue de la Liberté. Ils réalisent alors que cette planète est la Terre, ravagée par une guerre nucléaire. Les singes s’en sont rendus maîtres. Les astronautes sont les derniers humains…

Un grand lifting pour Miss Liberty

En 1986, la statue de la Liberté a besoin d’être restaurée. Le 4 juillet, jour de la Fête Nationale, New-York est à nouveau en joyeuse effervescence. Des milliers de bateaux sillonnent la rade. La veille, les présidents Ronald Reagan et François Mitterrand ont assisté à un Son et Lumière retraçant l’histoire de la statue et marquant aussi la fin d’importants travaux.  

Dès 1981, des ingénieurs français avaient ausculté les entrailles de la vieille dame. Depuis cent ans, les vents salés de l’ Atlantique, les pollutions des usines du New-Jersey et les assauts de milliers de visiteurs ont altéré son état. Si son enveloppe de cuivre est en assez bon état, le tissu isolant qui  sépare celle-ci de son treillis de fer a disparu. Les deux métaux sont entrés en contact et la rouille s’est installée par le phénomène d’électrolyse, favorisé par l’humidité. Il faut intervenir d’urgence !

A l’initiative d’un Comité Franco-Américain pour la restauration de la statue de la Liberté, regroupant architectes et ingénieurs des deux pays, il est décidé d’entreprendre les travaux nécessaires. Un gigantesque échafaudage s’élève. "La Liberté" reste alors en cage pendant deux ans, mais c’est pour la bonne cause ! Le fer est remplacé par un matériau inoxydable, la torche est entièrement refaite, comme à l’origine, en cuivre repoussé et recouverte de feuilles d’or. Des artisans champenois et parisiens sont réquisitionnés. La plus grande dame du monde peut, à nouveau, accueillir ses visiteurs (près de 4 millions par an à l’époque) dans les meilleures conditions.

La statue de la liberté à la tête d’une famille nombreuse

La célébrité de ce monument et la puissance de son mythe ont inspiré, très tôt, des répliques dans divers endroits mais en général dans la continuité des relations franco-américaines. 

Le 12 mai 1885, à Paris, devant le pont de Grenelle, une statue en réduction est installée. Elle se trouve sur l'île aux Cygnes, dans le XVe arrondissement. Cadeau des Américains de Paris, elle est d’abord placée le regard face à l’Est, par courtoisie envers le palais de l’Elysée et le président de la République. Cela lui permet, en 1889, de toiser une cousine, conçue par l’un de ses deux créateurs et au moins aussi connue qu’elle : la tour Eiffel, inaugurée à l’occasion de l'Exposition Universelle commémorant le centenaire de la Révolution. 

Ce n’est que 52 ans plus tard, en 1937, que l’on fit remarquer que New-York se trouve à l’ouest de Paris, et qu’il serait judicieux de faire pivoter la statue… On la replaça alors dans le bon sens, face à Big Apple et sa grande sœur américaine. Une décision logique qui satisfaisait autant la géographie que le sens de l’Histoire.

Mais la statue de l’île aux Cygnes n’est pas la seule réplique observable à Paris. Il en existe d’autres, par exemple au Musée du Conservatoire des Arts et Métiers dans le IIIe arrondissement. Elle est à l’échelle de 1/16ème. En fait, c’est elle la véritable statue originale ! C’est en effet la maquette qu’Auguste Bartholdi utilisa comme modèle pour concevoir l’immense version new-yorkaise. Une autre a été déposée dans la nef centrale du Musée d’Orsay en 2012, pour des raisons de conservation. Initialement, elle se trouvait dans le jardin du Luxembourg.

La plus petite se trouve dans le VIe arrondissement, sur la place Michel Debré, près de la rue du Cherche-Midi. A première vue, elle est difficile à trouver. Mais si vous regardez de près le torse du centaure réalisé par le sculpteur César entre 1982 et 1985 aux croisements de la rue du Dragon, de la rue de Grenelle et de la rue de Sèvres, vous découvrirez une minuscule statue de la liberté ! Elle ne mesure que quelques centimètres et se déniche à la place du cœur dans cette étonnante masse métallique… 

Une place de choix pour cette silhouette symbolique qui continue d’inspirer, même à distance, les créateurs et les touristes épris de liberté.

 

Références bibliographiques : 

André Kaspi, Les Américains (Seuil, 2002)

Frédéric Martel, De la culture en Amérique (Gallimard, 2006)

L’ILLUSTRATION :  Les Grands Dossiers, à l’initiative d’Eric Baschet (Le Livre de Paris, 1987)

 

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"Au cœur de l'histoire" est un podcast Europe 1 Studio

Auteur et présentation : Jean des Cars
Production  : Timothée Magot
Réalisation : Jean-François Bussière
Diffusion et édition : Clémence Olivier
Graphisme : Karelle Villais