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SAISON 2020 - 2021

La fin du règne de Louis XIII a été bousculée par une conspiration pernicieuse… Dans ce nouvel épisode du podcast Europe 1 Studio "Au cœur de l’histoire", Jean des Cars vous raconte la trahison du marquis de Cinq-Mars, le favori du roi… ​

A seulement 19 ans, le marquis de Cinq-Mars devient le favori de Louis XIII, pour le meilleur… Mais surtout pour le pire ! Dans ce nouvel épisode du podcast Europe 1 Studio "Au cœur de l'histoire", Jean des Cars raconte l’ascension du marquis ​de Cinq-Mars, un jeune homme que le roi aurait dû surveiller de près…  

En octobre 1639, la cour du roi Louis XIII est en émoi. Sa favorite en titre sinon en fait, Mlle de Hautefort, est en disgrâce. Le roi a un nouveau favori... M. de Chavigny, secrétaire d’Etat au service de Richelieu, écrit à Mazarin, alors à Rome au service du Pape : “Nous avons un nouveau favori à la Cour, qui est M. de Cinq-Mars, fils de feu Monsieur le Maréchal d’Effiat, dépendant tout à fait de Monsieur le Cardinal. Jamais le Roi n’a eu passion plus violente pour personne que lui. Sa Majesté récompense la charge de Grand Ecuyer qu’a Monsieur de  Bellegarde, pour la lui donner. Ce n’est pas un trop vilain début pour un homme de dix-neuf ans.”

C’est Richelieu, exaspéré par l’effronterie et la ruse de Marie de Hautefort, qui décide de se débarrasser au plus vite de l’encombrante favorite. Comme il sait que le roi a toujours besoin, en dehors de lui, d’un confident, il pense que le mieux serait de le remplacer par un homme qui serait capable de lui faire connaître les pensées secrètes du souverain et d’influer sur ses décisions. Il choisit pour cette mission un de ses jeunes protégés, Henri d’Effiat, marquis de Cinq-Mars. Ce jeune homme est le fils de son ami et affectionné collaborateur le marquis d’Effiat qui avait été Surintendant des Finances et maréchal de France en 1631. A sa mort, en 1632, Henri n’a que onze ans. Il appartient donc au cardinal de lui apporter sa protection comme au reste de sa famille. 

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Le jeune Cinq-Mars est mince, élancé, bel homme, parfaitement élégant, à l’esprit agréable et séducteur. En 1635, alors qu’il n’a que quinze ans, le cardinal, en souvenir de son père, lui a fait donner le commandement d’une compagnie de Gardes. Trois ans plus tard, en mars 1638, pour le rapprocher  du monarque, il incite le marquis de La Force à céder à Cinq Mars sa charge de Grand-Maître de la Garde Robe. Cinq-Mars va mettre un an à conquérir le roi. A Abbeville, au début de l’été 1639, à force d’entendre vanter les qualités du jeune Henri, Louis XIII commence à être séduit et manifeste les premiers signes de familiarité à l’égard du jeune homme. Obéissant à Richelieu, il se met à dénigrer Mlle de Hautefort, lui reprochant de ne pas avoir suivi le roi à la guerre. Puis il insinue qu’elle est extrêmement médisante à son égard. Si bien que le roi, au retour d’Abbeville, promet à Cinq-Mars de s’éloigner d’elle. 

A son arrivée à Fontainebleau, Louis XIII réserve un accueil glacial à Marie de Hautefort. Et c’est alors, comme le racontera Chavigny, que le vieux Bellegarde est obligé de renoncer à sa charge de Grand Écuyer de France au profit de Cinq-Mars. Le 15 novembre, le nouveau dignitaire prête serment. On l’appelle alors Monsieur le Grand. Il exerce désormais une des principales charges de la Cour. Aucun des précédents favoris du roi n’était monté si haut, ni si vite. L’année suivante, le roi lui fait cadeau du comté de Dammartin avec réserve d’usufruit et réversibilité à la Couronne au cas où il n’aurait pas d’héritier mâle. Il est stipulé que la cession est faite “à cause de la singulière affection du Roi pour le sieur de Cinq-Mars”. Il est évident que l’attirance du roi pour ce jeune et beau garçon est de nature homosexuelle. Est-elle plus forte, est-elle allée plus loin, que les précédentes ? Cette concierge de Tallemant des Réaux cite une anecdote très explicite : “Fontrailles, un petit marquis de la Cour, dit qu’étant entré une fois à Saint-Germain brusquement dans la chambre de Monsieur le Grand, il le surprit comme il se faisait frotter depuis les pieds jusqu’à la tête d’huile de jasmin et se mettant au lit, il lui dit d’une voix peu assurée : cela est plus propre. Un moment après, on heurte à la porte. C’est le Roi. Il y a apparence qu’il s’huilait pour le combat.”

Si cette histoire n’est, sans doute, qu’un méchant ragot, elle montre néanmoins que l’excès d’affection du roi à l'égard de Cinq-Mars n'échappe à personne et paraît, au minimum, très ambiguë. Mais comment un roi de France, enfin père depuis un an d’un héritier, le futur Louis XIV, après vingt-trois ans de mariage, peut-il ainsi afficher sa préférence ?

L’étrange personnalité de Louis XIII

Louis XIII est un homme sombre, à la limite de la neurasthénie. Comme toujours, c’est dans l’enfance qu’il faut chercher les raisons de ce caractère. Tout petit, l’aîné des enfants d’Henri IV étonnait par sa vivacité d’esprit, son excellente mémoire, sa curiosité et sa franchise. Très tôt, on remarque chez lui une certaine pruderie pour ne pas dire une pudibonderie sans doute à l’origine de ses inhibitions et de sa future misogynie. Il rougissait aux propos crus et indécents de son père et de son entourage. Il disait alors : “Cela n’est pas bien !”

Il était d’une nature affable et douce, affectueux, prévenant et généreux, il n’aimait pas blesser ses interlocuteurs. Pour son père Henri IV, il éprouvait un attachement exclusif. Il était plein d’amour et d’admiration, il n’avait confiance qu’en lui, lui obéissait et cherchait à lui plaire. Quand on annonçait son arrivée à Saint-Germain, Louis jubilait, courait à sa rencontre, lui sautait au cou et le couvrait de baisers. Ses relations avec sa mère étaient loin d’avoir la même spontanéité. Marie de Médicis, qui avait perdu sa mère à l’âge de 5 ans, souffrait d’une carence affective. Par ailleurs, elle avait une préférence manifeste pour son dernier fils, Gaston. Avec Louis, elle n’était qu’autorité et entêtement. Il appelait son père “Papa” et elle seulement “Mère”. 

L’enfant avait aussi le goût de la musique et de la danse. Il l’aura toute sa vie. Il aura aussi en permanence des sautes d’humeur, des accès de violence, dus, sans doute, à ses maux intestinaux qui le tourmentaient de façon récurrente. Il ne faut pas non plus oublier que l’assassinat de son père fut évidemment une tragédie pour lui. La mort d’Henri IV le vendredi 14 mai 1610 alors qu’il s’apprêtait à partir faire la guerre dans les Flandres, après avoir nommé Marie de Médicis Régente en son absence, provoque la stupéfaction et la consternation. Marie est affolée. Elle ne cesse de répéter : “Le Roi est mort !”. Le chancelier Brulart de Sillery lui déclare solennellement en lui désignant son fils Louis : “Les Rois ne meurent pas en France ! Voilà le Roi, vivant, Madame !”. Louis a pleuré à l’annonce de cette nouvelle et il a déclaré, en parlant de Ravaillac : “Ah ! Si j’y eusse esté avec mon épée, je l’eusse tué !”

Le 17 octobre, Louis XIII, qui vient de fêter ses 9 ans, est sacré à Reims. La régence est exercée par sa mère. Sous l’influence de ses favoris, Léonora Galigaï et Concini, elle écarte les anciens conseillers du roi et abandonne les projets de guerre d’Henri IV contre la Maison d’Autriche. Bien que déclaré majeur en 1614, le jeune roi Louis XIII continue à être exclu du gouvernement et en éprouve une irritation grandissante. A la même période, Albert de Luynes, gentilhomme du Comtat Venaissin qu’Henri IV avait placé auprès du Dauphin, devient le confident du roi.  Il a 23 ans de plus que lui et il va devenir son mentor. 

Un mariage précoce 

En 1615, Louis XIII épouse l’infante d’Espagne Dona Anna Maria, fille cadette du roi d’Espagne Philippe III, évidemment une Habsbourg, c’est pourquoi on l’appelle Anne d’Autriche. Les mariés ont le même âge, 15 ans. Anne est très belle, elle a un teint de lys, des yeux verts et beaucoup de charme, elle montre autant de majesté que de modestie. Le soir des noces, le petit roi se met au lit avec son épouse, prétend avoir fait l’amour deux fois avec elle, après s’être assuré qu’elle le voulait bien. On n’en sait pas plus. On comprendra que cette brève nuit de noces fut pour lui, si chaste et si prude, un véritable traumatisme. Il avait effectivement tenté de déflorer la jeune reine sans y parvenir et avait retiré de l’amour physique un dégoût profond. Il avouera à son confesseur que le mariage n’avait pas été consommé. Il n’est pas prêt de l’être, il faudra encore quatre ans ! 

En revanche, poussé par son ami Luynes, il réalise une prise de pouvoir spectaculaire en avril 1617. Concini est assassiné. Marie de Médicis est éloignée, en résidence surveillée au château de Blois. Délivrée par d’Epernon, elle va entreprendre une folle lutte contre son propre fils Louis XIII. Elle et ses partisans sont vaincus aux Pont-de-Cé, sur la Loire, le 7 août 1620. C’est Richelieu, ancien conseiller de Marie de Médicis, qui va s’entremettre pour réconcilier la mère et le fils. En 1622, Luynes qui depuis la mort de Concini avait dirigé la politique de Louis XIII, meurt. Marie entre à nouveau au Conseil, Richelieu aussi. Marie de Médicis s’inquiète beaucoup de la montée en puissance Richelieu. Elle a raison. En 1624, il devient le chef du Conseil. Les pions sont sur l’échiquier. Désormais, le cardinal dirige la politique de la France mais il serait tout à fait erroné de ne voir en Louis XIII qu’un souverain fantoche, dominé par un tout-puissant ministre. De faible santé, timide, gauche, dissimulé, le roi est cependant très soucieux de ses devoirs et de son autorité. Aucune grande décision de Richelieu ne sera prise sans son consentement. Et lors des grands complots qui vont agiter le règne, c’est le roi qui refusera les grâces et exigera des châtiments exemplaires. 

En effet, Louis XIII va se trouver constamment aux prises avec deux partis antagonistes, celui de la paix avec l’alliance espagnole réclamée par la reine mère, par son épouse Anne d’Autriche et la plupart des grands, et celui de la grandeur extérieure nécessitant des guerres, incarné par Richelieu. Le roi a toujours choisi cette option, peut être poussé par son goût des armes et de la vie militaire. Mais des intrigues ne vont cesser de se nouer autour de lui pour tenter de le brouiller avec son conseiller. A plusieurs reprises, la position du cardinal se trouve menacée. Le point culminant est la Journée des Dupes ou toute la Cour croira Richelieu enfin disgracié. Mais ce 11 novembre 1630, au dernier moment, Louis XIII renonce à l’écarter. Au milieu de tous ces complots politiques, il faut dire que le roi devait, en plus, supporter les fourberies de son frère, Gaston d’Orléans. Le souverain n’ayant pas encore d’héritier, c’est lui qui est son potentiel successeur. Il a été de toutes les intrigues mais s’en est toujours sorti en dénonçant tout le monde, se sachant à l’abri du pire puisque cadet du roi.

Au moment où Cinq-Mars fait son entrée dans la vie du roi, on pourrait penser qu’un des principaux problèmes est réglé puisque depuis un an : le souverain a un héritier, le futur Louis XIV, et il va très rapidement avoir un  second fils, Philippe, futur duc d’Orléans qui naît en 1640. Pourtant, malgré cette succession assurée, Louis XIII ne peut avoir confiance ni en son épouse ni en son frère Gaston. Seule Marie de Médicis est définitivement écartée de la Cour. Exaspéré, il la fait garder prisonnière pendant plusieurs mois. Elle réussit à s’évader, continue d’intriguer contre Richelieu, mais cette-fois, depuis Bruxelles ou Londres. Dans cette famille peu réconfortante, on peut dire que l’amour du roi pour Cinq-Mars semble assurer un avenir éblouissant au favori. Mais cela serait trop simple !

Un favori insupportable

C’est Richelieu qui a poussé Cinq-Mars à se rapprocher du roi pour en gagner la faveur. Le cardinal le croyait aimable et souple, faible de caractère et sensible aux honneurs, ce qui lui aurait permis d’en faire un instrument de sa politique. Mais il va vite réaliser que sa créature lui échappe. Il découvre un personnage hautain, audacieux, inconstant, violent, brouillon. Cinq-Mars ne se sent redevable de rien envers Richelieu. Il pense que son statut insensé n’est dû qu’à lui-même. 

Grisé par son ascension, il rêve de commander une armée et surtout il est tombé passionnément amoureux de Marie-Louise de Gonzague. Cette beauté est la fille du duc de Nevers devenu duc de Mantoue. Elle avait d’abord fait la conquête du frère du roi, Gaston d’Orléans, veuf de Marie de Bourbon-Montpensier. Mais devant l’opposition absolue du monarque et du cardinal, elle avait renoncé à ce projet matrimonial. Finalement, Gaston épouse en 1627 Marguerite de Lorraine. Ils n’auront qu’une fille mais… quelle fille ! Anne-Marie, dite la Grande Mademoiselle sera la digne fille de son père, en étant, plus tard, une des égéries de la Fronde. Marie de Gonzague en veut beaucoup à Richelieu de cet échec. En 1637, à la mort de son père, elle hérite de deux duchés, le Nivernais et le Rethélois. Elle partage son temps entre la Cour et ses domaines. En 1640, elle a 29 ans. Elle rencontre Cinq-Mars, de huit ans son cadet. Contre toute attente, ils tombent amoureux l’un de l’autre. Pour Cinq-Mars, un mariage avec Marie-Louise de Gonzague le hisserait au sommet de l’aristocratie française. Amoureux, il est soudain moins assidu à suivre le roi dans ses chasses. Il manifeste publiquement sa mauvaise humeur, quitte la compagnie de Louis XIII sans s’excuser et fait ouvertement bande à part. Le roi est malheureux. Il l’écrit à Richelieu : “Je n’ai point dormi toute cette nuit de rage, j’ai eu un peu d’émotion. Je ne puis plus supporter ses hauteurs car elles sont venues à trop haut point.”

Au même moment, Cinq-Mars sent Marie-Louise un peu réticente au mariage, sauf s’il était fait duc ou pair de France, ou peut-être connétable, comme Luynes. Dans sa grande inconscience, Henri court se réconcilier avec Richelieu pour lui demander son aide. Le cardinal, qui connaît la haine de Marie-Louise à son égard depuis qu’il a empêché son mariage avec Gaston, réalise qu’une telle union pourrait lui nuire énormément. Richelieu entre alors dans une grande colère et humilie Cinq-Mars en lui déclarant “qu’il ne croyait pas que la princesse eut à ce point oublié sa naissance qu’elle voulut s’abaisser à un si petit compagnon. Il n’était qu’un fol”. Henri en pleure de rage et il reporte sur le roi sa haine du cardinal. Les scènes se multiplient entre le souverain et son favori. Louis XIII lui reproche sa légèreté, ses costumes trop coûteux, son carrosse plus somptueux que celui de la reine et surtout sa fréquentation nocturne des lieux de plaisir du Marais où il retrouve volontiers Marion Delorme et d’autres courtisanes. Il n’a pas l’intention de se séparer de lui, mais les crises incessantes remontent jusqu’à Richelieu qui joue les médiateurs. Le roi se confie et le cardinal doit gronder le jeune homme. Il finit par ratifier des traités de paix entre les deux parties : “Nous, ci-dessous signés, certifions à qui il appartiendra, être très contents et satisfaits l’un de l’autre, et n’avoir jamais été en si parfaite intelligence que nous sommes à présent. En foi de quoi nous avons signé le présent certificat. Fait à Saint-Germain, ce 26 novembre 1639. Signé Louis et, par mon commandement,  Effiat de Cinq-Mars.”

Cela continue en 1640 par un autre traité destiné à Richelieu, désormais juge de paix : “Sa Majesté a eu agréable de promettre à Monsieur le Grand que, de toute sa campagne elle n’aura aucune colère contre lui et s’il arrivait que Monsieur le Grand lui en donnât quelque léger sujet, la plainte en sera faite à Monsieur le Cardinal sans aigreur afin que par l’avis de Son Eminence, ledit Sieur le Grand, se corrige de tout ce qui pourrait déplaire au Roi… Ce qui a été promis réciproquement par le Roi et Son Eminence. Signés Louis, Effiat de Cinq-Mars.”

Les gamineries du roi ne l’empêchaient pas en effet de s’occuper avec le cardinal de conquérir les territoires indispensables à la sécurité de la France, notamment en Artois : c’est de cette campagne dont il est question dans le précédent traité, mais aussi en Lorraine, en Alsace et en Italie du nord. Cela ne l’empêchait pas non plus de s’inquiéter des bouillonnements internes de son royaume et des complots qui s’y tramaient. Mais il ne se doutait pas que son favori serait bientôt le prochain conspirateur…  

 

 

Ressources bibliographiques :

Jean-Christian Petitfils, Louis XIII (Perrin, 2008)

Arnaud Teyssier, Richelieu, l’aigle et la colombe (Perrin, 2014)

 

 

"Au cœur de l’Histoire" est un podcast Europe 1 Studio

Auteur et présentation : Jean des Cars
Production : Timothée Magot
Réalisation : Matthieu Blaise  
Diffusion et édition : Salomé Journo
Graphisme : Karelle Villais