[1/2] Aliénor d'Aquitaine, la duchesse aux deux couronnes

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SAISON 2022 - 2023, modifié à

"Au Cœur de l’Histoire" vous fait découvrir une femme au destin hors du commun : Aliénor d’Aquitaine. Virginie Girod retrace son récit dans un épisode inédit en deux parties. Aliénor d’Aquitaine, c’est cette duchesse aux deux couronnes des royaumes de France et d’Angleterre. Elle est sans aucun doute le personnage historique féminin le plus connu du Moyen Âge. Elle épouse successivement deux rois, Louis VII, puis Henri Plantagenêt, futur Henri II. Aliénor d’Aquitaine devient ainsi la duchesse en titre d’un des plus grands et plus riches territoires de l’Occident médiéval. Au Moyen-Âge, au milieu du XIIème siècle, l’Aquitaine est le théâtre d’une rivalité entre le roi de France et le roi d’Angleterre, à l’origine de la future Guerre de Cent ans. Aliénor d’Aquitaine va se retrouver au cœur de ce conflit. “Au Cœur de l’Histoire” est une production Europe 1 Studio.

Sujets abordés : Couronne – Reine – Royaume- Henri II- Louis VII – Angleterre – France – Moyen-Age - Duché d’Aquitaine 

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"Au cœur de l'histoire" est un podcast Europe 1 Studio. 

Ecriture et présentation : Virginie Girod 

- Production : Europe 1 Studio

- Direction artistique : Adèle Humbert et Julien Tharaud 

- Réalisation : Clément Ibrahim 

- Musique originale : Julien Tharaud 

- Musiques additionnelles : Julien Tharaud et Sébastien Guidis 

- Communication : Kelly Decroix 

- Diffusion et rédaction : Romain Vintillas

- Visuel : Sidonie Mangin

Nous sommes en Castille, en actuelle Espagne, en janvier 1200.  En cette saison, il est impossible de chauffer correctement les châteaux. Le froid oblige toute la cour du roi Alfonse VIII à garder ses vêtements fourrés.

A presque 80 ans, Aliénor d’Aquitaine ne se laisse pas perturber par les aléas climatiques. Elle a traversé les Pyrénées en plein hiver pour aller voir ses petites-filles, les princesses de Castille Urraque et Blanche. Elle a passé un accord avec le roi de France pour marier l’une d’elles à son héritier.

Aliénor d’Aquitaine demande à voir les deux fillettes. Elle les observe… ou plutôt, elle les scrute. Elle veut sentir laquelle des deux fera la meilleure reine de France. Elle veut une future souveraine qui lui ressemble, une femme de caractère, pas une demoiselle effacée. Urraque a 14 ans. En tant qu’aînée, elle est la candidate idéale. Sa cadette, Blanche n’a que 12 ans. Et pourtant, la vieille duchesse est frappée par la vivacité de son esprit et son côté dur. C’est ce qu’il faut pour survivre à la cour. Aliénor doit faire le bon choix : l’une de ses deux petites-filles écrira bientôt la suite de l’histoire de France.

Une duchesse élevée comme un garçon

Au moment de la naissance d’Aliénor d’Aquitaine en 1122, la France n’est pas encore ce qu’elle est : toute la partie est qui va de la Lorraine à la rive gauche du Rhône n’appartient pas au territoire.

La partie centre de ce qui reste correspond au fief de la couronne, ce sont les terres qui dépendent directement du roi de France. Ce n’est pas grand-chose et ses frontières sont instables.

La partie à l’ouest, du côté de l’Atlantique, est morcelée en grands duchés dont la Normandie, la Bretagne et l’Aquitaine. Les ducs de ces territoires sont des vassaux du roi. Ces seigneurs sont censés rendre hommage à leur souverain et se mettre à son service en cas de guerre. Dans les faits, ça ne se passe toujours ainsi.

Quand Aliénor voit le jour en ce début de XIIe siècle, son père Guillaume X a profité des conquêtes de ses aïeux. Son duché représente un gros quart de la France actuel. C’est le plus grand domaine du royaume, après celui du roi. Cela fait de lui un homme très puissant.

Avec sa femme, la duchesse de Châtellerault, il a trois enfants : Aliénor, Pétronille et Guillaume. Ce dernier meurt en bas-âge. Et comme Guillaume est un homme moderne, il élève ses filles presque comme des garçons parce qu’un jour, elles lui succéderont.

La cour d’Aquitaine est une cour brillante et joyeuse. C’est sans doute parce qu’elle n’est pas proche du pape, qui prêche en faveur d’un mode de vie humble. Aliénor apprend le latin, la musique, la littérature, l’équitation et la chasse. En plus d’être bien éduquée, la petite duchesse est remarquablement intelligente et ses contemporains disent qu’elle est d’une beauté à couper le souffle avec sa silhouette fine et souple et ses très longs cheveux dorés.

Mais ce n’est pas parce qu’elle est belle et qu’elle a de la conversation que les demandes en mariage affluent. C’est bien parce qu’elle est l’héritière du duché d’Aquitaine. Guillaume X s’efforce donc de trouver le meilleur époux possible pour sa fille. Il convainc sans difficulté le roi Louis VI le Gros de la fiancer à son fils, l’héritier de la couronne de France. Il y a cependant une close importante dans cette alliance : le duché d’Aquitaine ne sera pas absorbé par le domaine royal. Il restera aux mains d’Aliénor.

En 1137, alors qu’il est sur le chemin de Compostelle , Guillaume d’Aquitaine décède. À 14 ans, Aliénor est prête à diriger son duché. Mais elle doit impérativement précipiter son mariage car à son époque, le mariage après enlèvement est rare mais autorisé. Si Aliénor se faisait kidnapper par un seigneur ambitieux, elle serait obligée de céder son duché à ce mari mal intentionné. Pour éviter un tel scénario, la jeune fille attend l’arrivée de son futur époux auprès de l’évêque de Bordeaux.

Aliénor devient reine de France

L’héritier de la couronne de France est un jeune homme de 17 ans un peu falot. Mais la nuit de noces se passe bien et on raconte qu’il est très amoureux de sa femme. Le roi Louis VI le Gros meurt le 1er août 1137, soit 6 jours après le mariage de son fils. Celui-ci devient alors le roi Louis VII. Il est sacré quelques mois plus tard. Aliénor est également couronnée reine de France.

Elle suit son époux dans sa résidence principale sur l’île de la Cité à Paris. La Conciergerie est alors l’un des cœurs du pouvoir politique. Pour Aliénor et ses dames de compagnie venues du sud, c’est un choc. À Paris, les gens ne portent pas de vêtements colorés comme elles, qui moulent leur buste pour mettre leurs formes en valeur. Beaucoup préfèrent les prières à la fête alors qu’en Occitanie, on a la passion des troubadours et de l’amour courtois.

« L’amour courtois », originaire d’Occitanie, est un jeu de séduction entre les hommes et les femmes de la haute société. C’est élégant, galant mais ça n’a rien de sexuel. C’est juste pour le plaisir de l’âme, pour être heureux. Les jeunes chevaliers vivent souvent l’amour courtois avec les épouses de leurs suzerains. C’est une manière pour eux de leur plaire en louant leur femme sans aller jusqu’à l’adultère.

Voilà pourquoi Aliénor détonne à Paris. Elle essaye d’amener le raffinement occitan dans une cour qu’elle estime pleine de brutes et de grenouilles de bénitiers.

Mais elle ne perd pas de vue le plus important : la politique, et surtout la politique matrimoniale ! Elle va exiger de son époux qu’il marie sa sœur Pétronille à l’un des plus beaux partis de la cour : le sénéchal Raoul de Vermandois. Problème : il est déjà marié. Louis VII l’oblige donc à divorcer d’abord convoler avec la sœur de la reine. Éléonore de Blois, l’épouse injustement répudiée, veut venger son honneur bafoué : son frère déclare la guerre à Louis VII. L’affaire se termine par le siège de Vitry-en-Perthois où le roi fait incendier la ville avec tous ses habitants à l’intérieur.

Il a maté la révolte mais a des regrets : il ne peut oublier le sang de ses sujets sur les mains. Son amour pour sa reine, à l’origine de ces querelles, en sort écorné.

C’est sans doute pour se racheter auprès de Dieu que Louis VII va s’engager dans la deuxième croisade quatre ans plus tard en 1146.

Une croisade sans succès qui éloigne les époux

À la fin du XIe siècle, les Turcs ont pris le contrôle de la côte est de la Méditerranée. Ils maîtrisent désormais les routes commerciales vers l’Asie et ferment l’accès des lieux saints aux chrétiens. C’est un problème économique et spirituel. Et à cette époque, ces deux aspects sont essentiels.

Plusieurs seigneurs européens sortent les armes pour récupérer les terres saintes. Cette première croisade se solde par la création de quatre enclaves aux mains des chrétiens : le comté d’Édesse, la principauté d’Antioche, le comté de Tripoli et le royaume de Jérusalem.

En 1144, les Musulmans reprennent le contrôle du comté d’Édesse. C’est le début de leur projet de reconquête des États latins. Le pape Eugène III supplie Louis VII de partir au combat pour défendre les chrétiens d’Orient et l’accès aux lieux saints.

Dans les faits, deux croisades se préparent simultanément. Pendant que Louis VII réunit 15 000 seigneurs et croyants prêts à en découdre, Aliénor rassemble des dames de compagnie et des troubadours. Pour faire simple, le roi veut se battre et la reine veut faire du tourisme. La croisade ne va pas arranger un mariage déjà éprouvé.

Louis VII essuie plusieurs défaites en Anatolie, l’actuelle Turquie. À l’occasion des fêtes de Pâques 1148, il se replie dans la principauté d’Antioche. Son dirigeant est le prince Raymond qui n’est autre que l’oncle d’Aliénor.

Alors que Louis VII ronge son frein en attendant de repartir se battre, la reine profite des charmes de l’Orient et goûte aux mets locaux relevés d’épices. Bientôt, les mauvaises langues colportent des rumeurs à l’origine de la légende noire d’Aliénor. Elle serait bien trop proche de Raymond… C’est qu’ils doivent être amants ! Résultat : les relations du couple royal se tendent. Louis VII n’est pas sûr que sa femme lui soit infidèle. En revanche, elle ne lui a donné qu’une fille. Ce n’est pas assez pour assurer la pérennité de sa lignée. Mais c’est suffisant pour envisager une annulation de leur mariage.

Au mois de juillet, Louis VII quitte la principauté de Raymond d’Antioche pour aller assiéger Damas. Là encore, son projet militaire est un échec et la deuxième croisade est un fiasco. Les croisés finissent par reprendre le chemin de la France.

Le roi constate que les caisses de l’État sont pratiquement vides et il songe sérieusement au divorce. Il ne supporte plus Aliénor… qui le lui rend bien. Elle ne fait même pas le chemin du retour auprès de lui.

Malgré tout, on ne divorce pas si facilement au Moyen Âge. Les souverains tentent de sauver leur couple, moins par amour que par intérêt politique. Quand Aliénor tombe à nouveau enceinte, Louis VII a l’espoir de voir naître un héritier. Espoir ruiné quand on lui annonce que le bébé né en 1151 est une fille.

L’année suivante, les évêques de France valident donc l’annulation de leur mariage. Ils invoquent comme argument la consanguinité des époux qui sont effectivement cousins. C’est l’excuse qu’on donne à l’époque quand on ne peut pas plaider la non-consommation du mariage.

Louis VII aura deux autres épouses : Constance de Castille et Adèle de Champagne. Cette dernière lui donnera enfin un fils, le futur roi Philippe Auguste. 

De son côté, Aliénor retrouve son duché d’Aquitaine, non sans avoir failli être enlevée deux fois par des nobles qui voulaient l’épouser de force. Elle a maintenant 29 ans, elle est riche et puissante mais surtout, elle a pris goût au pouvoir. Elle veut se remarier mais pas avec n’importe qui. Cette fois, elle veut un partenaire ambitieux, un homme qui ait l’âme d’un conquérant.

Aliénor et Henri Plantagenêt

C’est à cette époque qu’elle organise ses prochaines noces avec Henri Plantagenêt. Il a 19 ans, il est audacieux et fougueux. Il dirige des armées depuis qu’il a 14 ans ! Et il vient d’hériter du duché de Normandie, du comté du Maine, du comté d’Anjou et du comté de Touraine. Son fief est deux fois plus petit que celui d’Aliénor mais c’est quand même l’un des plus grands de France.

Mais surtout, Henri est le petit-fils du roi d’Angleterre par sa mère qui descend de Guillaume le Conquérant. Même si son oncle Etienne détient actuellement la couronne anglaise, il peut prétendre au trône… et Aliénor aime assez l’idée de retrouver une couronne, quelle qu’elle soit.

Le couple se marie à Poitiers en 1152 . Quand Louis VII découvre qui est le nouveau conjoint de sa femme, il prend peur. Le couple possède un territoire plus vaste que le domaine royal de France. Pour prendre les devants et éviter un coup d’état, Louis VII coalise autour de lui tous les ennemis de Henri Plantagenêt y compris son oncle Etienne, le roi d’Angleterre. Les troupes coalisées décident soudain d’attaquer les territoires des jeunes mariés à plusieurs endroits, simultanément. C’est à ce moment qu’un événement inattendu se produit.

 

Pour découvrir la suite de ce récit, rendez-vous sur l’épisode 2 de notre série sur Aliénor .

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